Le bouffon des rois
fus le précepteur du roi Charles dans sa jeunesse
dont l’appétit sexuel n’eut d’égal que sa laideur. Il tomba littéralement en
adoration de sa reine et par amour pour elle il embellit le château d’Amboise,
l’agrémentant de tours, de bâtiments, de jardins, de tapisseries magnifiques et
même d’une salle de bains. »
Moi qui, pour me laver, n’avais jamais employé qu’un linge
sec pour m’en frotter de temps en temps, je lui demandais à quoi pouvait servir
une salle de bains, alors qu’il n’était pas bon de se tremper dans une eau
tiède, les étuves étant considérées comme des vecteurs de contagion. Mon
précepteur marqua un instant d’agacement et je promis de ne plus l’interrompre.
« Anne qui aimait être traitée comme une reine, ce
qu’elle était d’ailleurs, était au comble de la félicité mais elle allait bientôt
subir les souffrances inhérentes à l’épouse d’un roi qui avait un corps à la
folie génésique, et s’il contentait sa reine plusieurs fois par jour, il lui
fallait en plus grimper sur quelques jeunes filles, longues de jambes, fines de
taille, portant le tétin haut et ferme et surtout idoines (excuse-moi !),
aptes à recevoir à tout moment les hommages royaux d’un braquemart
perpétuellement dressé à l’instar de son sceptre d’or.
« Quand, à la fin de l’été 94, 1400 bien sûr,
Charles partit pour l’Italie afin de conquérir Naples, ce fut un long voyage où
l’on vit le roi, chaque jour et chaque nuit, faire la navette entre le char
royal dans lequel il honorait sa femme et celui de son gynécée. La reine
pleurait toutes les larmes de son corps de voir son époux se complaire dans une
débauche mais ce que roi désire… !
« À Lyon, la halte dura si longtemps à cause de la
lubricité complaisante des bourgeoises de la cité lyonnaise qu’on dut rappeler
au roi pour quelle raison cette expédition avait été entreprise. C’en était
trop, même pour une reine amoureuse. Elle retourna à Paris pour accoucher dans
la sérénité, car bien entendu à force de subir les assauts régaliens, elle fut
royalement engrossée.
« Il se souvint alors qu’il fallait marcher sur Naples
et ne point tarder puisque là-bas y demeuraient de ravissantes Italiennes
offertes qui n’attendaient que son bon plaisir et celui de son armée. Il parla
même de pousser jusqu’à Constantinople pour goûter aux plaisirs des femmes
orientales dont on lui avait vanté les étranges talents exotiques. Ses généraux
et conseillers lui objectèrent qu’il n’y avait aucune raison d’aller conquérir
un pays du soleil levant ; il leur répondit avec une évidente mauvaise foi
qu’il était grand temps d’envisager de mettre sur pied une nouvelle croisade.
L’arrivée à Naples effaça bientôt cette lubie extravagante. Si la conquête de
la ville fut un échec, les séquelles furent encore plus catastrophiques ;
les belles Italiennes s’en étaient donné “à corps joie” et avaient dispensé
leurs charmes au roi et à la totalité de son armée. Jolis présents, si les
donzelles n’avaient pas été atteintes d’un sordide ulcère à la matrice qui eut
pour effet de distiller du poison dans la chair de chacun des heureux élus.
C’était une défaite bien “chair” payée. Pour comble de disgrâce, le mal italien
fut ramené “dard-dard” en France au bout de leurs piques et nombre d’entre eux
moururent dans d’atroces souffrances.
« Anne mit au monde l’héritier mâle que tout le monde
attendait mais il mourra peu après d’une méchante rougeole. Si elle ne s’en
consola jamais, elle possédera néanmoins une assez grande accoutumance à
l’accouchement puisque Charles VIII la rendra mère encore cinq fois en
quatre ans. Seules deux filles survivront.
« En avril 1498, il y a un peu plus d’un an, Charles
allait repartir pour une nouvelle conquête de l’Italie. Il n’en eut pas le
loisir, car il mourut bêtement, dans ce même château d’Amboise où nous sommes
aujourd’hui. Après un copieux déjeuner, il quitta ses appartements pour aller
assister à une partie de paume qui se jouait dans les fossés du château et,
afin de prendre par le plus court, il s’engagea dans une galerie assez étroite
et sombre que l’on n’empruntait guère d’ordinaire car c’était un endroit où
tout le monde venait soulager des besoins plus ou moins pressants. Il ne prit
pas garde à la voûte surbaissée d’une
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