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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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que j’avais croisées durant ces dix
dernières années étaient de bure et portées par des moines qui ne m’inspiraient
aucun sentiment.
    Depuis qu’à la cour je côtoyais quotidiennement la gent
féminine, il est vrai que ma verge se raidissait aussi l’après-midi et le soir
au point de me faire méchamment souffrir. Comme si je n’avais pas assez de
souffrances à traîner avec moi ! J’analysais fort bien les regards des
femmes quand ils se posaient sur moi ne fût-ce qu’un court instant ; elles
savaient si bien exprimer dégoût et moquerie. Parfois c’était plus
humiliant : je décelais de la pitié. Les femmes sont par nature voluptueuses
et frivoles, donc elles sont attirées par les fous. J’en déduisais que je ne
leur étais pas indifférent et pouvais le constater quand je surprenais un petit
groupe qui m’observait à la dérobée en chuchotant et en laissant éclater des
rires espiègles. Peut-être que la proéminence de mon appendice nasal leur
laissait espérer que ma verge fût en proportion ? Toujours est-il que mon
fripon de phallus ne manquait pas de me rappeler sa présence quand mes yeux
croisaient une gorge bombée laissant deviner des tétons grassouillets ; je
sentais une enflure s’agiter dans mes chausses qui accentuait ma démarche de
boiteux.
    Malgré toutes les barrières que je m’étais construites,
malgré la volonté inébranlable de ne jamais succomber au charme désarmant d’une
femelle, j’avais le cœur meurtri dès qu’une odeur de femme venait me
chatouiller les narines, ou quand la soie d’une robe effleurait ma main.
    L’attirance physique est un sentiment dangereux car à cause
d’elle j’ai vu beaucoup d’hommes privés de leur raison, qualité qui nous place
tout de même au-dessus des animaux. Il me fallait réagir ou plutôt forcer ma
volonté à ne pas laisser paraître une quelconque réaction naturelle.
Souviens-toi que mes saillies (je parle de mes moqueries !) ne devaient
jamais être malfaisantes envers les femmes. Je devais donc garder au fond de
moi cette grande frustration de ne pouvoir exprimer ni mes sarcasmes ni mes
ressentiments. Dans un ouvrage médical dont j’ai oublié l’auteur, un passage
m’avait amusé. Je l’avais appris par cœur et je me le récitais comme une prière
quand je sentais qu’une chaleur de femelle risquait d’incommoder ma
chasteté : « Je m’occuperai ici avec l’aide de Dieu de ce qui touche
aux femmes et comme la plupart du temps les femmes sont de méchantes bêtes, je
traiterai ensuite de la morsure des animaux venimeux. »
    Dieu m’est témoin, je n’ai jamais été mordu !
    À part ces petits « déplaisirs », je me délectais
de cette vie prospère mais c’était sans compter sur la politique belliqueuse
que mon roi portait en lui, comme une nécessité de se défouler. La chasse
n’était pas suffisante comme palliatif. Les guerres sont les plus grandes
distractions des rois.
    Après un conseil assez houleux – je m’étais
recroquevillé dans un coin de la salle où d’ailleurs on oublia ma
présence –, le roi décida d’aller reconquérir le Milanais. C’était la
récupération de l’héritage de Charles VIII qui avait échoué dans son rêve
italien et n’avait qu’une idée en tête, prendre sa revanche. (Ne revenons pas
sur la malheureuse poutre qui fut la dernière chose qu’il eut en tête !) À
ce même conseil, les généraux et chefs d’armée furent convoqués. Parmi eux
Stuart d’Aubigny, Louis de Ligny, Jean-Jacques Trivulce, Jacques de Chabannes,
seigneur de La Palice, qui s’étaient tous brillamment illustrés dans les guerres
d’Italie sous Charles VIII, et un homme enrôlé depuis peu dans la
cavalerie lourde dont on vantait déjà l’avenir glorieux, Pierre Terrail,
seigneur de Bayard. Ils avaient aussi fière allure campés sur leurs deux jambes
qu’à califourchon sur la selle d’un fougueux destrier. Louis, au nom de sa
grand-mère paternelle Valentine Visconti, revendiquait le titre de duc de Milan
et projetait d’aller reprendre Naples. Tous les conseillers le mirent en
garde : l’expédition n’allait pas être une simple promenade de santé ;
à ce moment-là toute l’Europe, hormis l’Angleterre, avait des intérêts dans la
péninsule italienne. Son talent de diplomate avait déjà réuni des alliés de
poids : le pape, la république de Venise, le roi d’Aragon, la reine de
Castille, le roi de Portugal, le roi

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