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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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naturelle, je comprenais
mieux son aversion évidente pour moi.
    Elle s’entourait de beaux esprits. Son secrétaire n’était
rien moins que le très célèbre poète André de La Vigne qui composait lui-même
des mystères, des ballades et des complaintes en français tout à l’honneur de
sa « belle reine ».
    Elle adorait une musique qui me procurait de tels
bâillements que je craignais chaque fois que ma mâchoire ne restât béante pour
le restant de mes jours. Elle avait à son service deux chantres : Prégent
Jagu et Yvon Lebrun, et cinq musiciens : Pierre Yvon, Jehannet du Bois,
Jacques Lorhignière, maître Paul et maître Jérosme. Un orchestre pour elle
toute seule ! Pour moi, une cacophonie à eux tous ! Mais cela ne lui
suffisait pas, elle faisait venir des ménestrels de Paris ou d’ailleurs qui
jouaient devant elle plusieurs moralités et ébattements ou les plus belles
mélodies de leur répertoire. Elle les remerciait d’un sourire et les congédiait
sans les avoir récompensés d’une quelconque aumône. Si elle était parcimonieuse
pour rétribuer ce qu’elle appelait le menu fretin, elle ne pouvait vivre que
dans un luxe exorbitant au milieu des tapisseries, des bijoux, des livres
rares, des objets précieux, de la vaisselle d’or et d’argent qui faisaient
partie de son quotidien. Elle avait aussi une garde privée entretenue à grands
frais.
    La reine dépensait, le roi économisait et le peuple
payait !
    Si – en termes vulgaires – elle ne pouvait me
sentir, en revanche on la sentait à des lieues à la ronde tant elle se
parfumait abondamment avec un mélange de rose et de violette musquée.
    Le château et les alentours ne tardèrent pas à se faire
l’écho d’une nouvelle qui se répandit plus vite que son parfum ne
s’évapora :
    « Notre reine est grosse du roi ! »
    Je n’étais pas plus étonné que cela : ne quittant
pratiquement pas mon roi, chaque soir, parfois même plusieurs fois par journée,
mes tympans étaient à la limite de l’éclatement tant les râles et les cris de
jouissance du couple royal défiaient sans complexe l’épaisseur des murailles.
     
    Au joli jeu
du pousse avant
    Fait bon
jouer.
     
    C’est le moment pour moi de te parler des femmes ou si tu
préfères de mes rapports avec elles. Rapports ! C’est un mot qui ne
s’applique guère à ma vie amoureuse, dont je n’ai jamais soufflé mot même à mes
amis les chiens. Qu’en aurais-je pu dire d’ailleurs ? Une vie sans amour
est-elle narrable ?
    Mon sale museau sitôt sorti de la matrice de ma mère,
d’instinct je me suis méfié des femmes. Je me suis très vite imposé des
interdits. Premièrement : interdit de séduction ; cela me paraissait
raisonnable vu ma contrefaçon. Deuxièmement : interdit à mon âme et à mon
cœur de s’enflammer ; aucun remède n’étant assez puissant pour éteindre de
tels embrasements. Troisièmement : interdit à mes oreilles de se laisser
envoûter par une voix féminine à l’accent mélodieux ; tu penses bien que
la lecture de l ’Odyssée et la belle histoire d’Ulysse avec les sirènes
n’étaient pas tombées dans l’oreille d’un sourd !
    Je m’étais moi-même condamné à une chasteté forcée. Pourtant
mes attributs étaient plus qu’honorables, témoin mes bourses bien gonflées et
ma verge d’une bonne mesure qui aurait sûrement fait le bonheur d’une vulve
accueillante.
    J’étais assez fier de mon gourdin qui doublait de taille et
de volume le matin au réveil. Tendu à l’extrême, il semblait ne vouloir jamais
retrouver sa mollesse. Je m’amusais beaucoup à le voir dressé tout droit comme
un trébuche, je me disais qu’il était moins tordu que mon dos et que c’était
certainement la seule partie qui se tenait bien droite dans mon corps. J’avais
tout juste vingt ans et je sentais que cette sève qui s’agitait à gros
bouillons à l’intérieur de moi ne demandait qu’à s’épanouir au grand jour.
Alors, je le prenais à pleines mains et le secouais comme prunier à l’automne
pour lui redonner une forme raisonnable. C’est ainsi que je découvris un
plaisir solitaire qui me donna toujours entière satisfaction, me consola de
bien des chagrins et calma des ardeurs qui auraient pu me détourner de mon
sacerdoce.
    Je croyais les femmes incapables de tendresse ; il faut
dire que ma mère ne m’avait jamais donné la preuve d’une quelconque existence
affective.
    Les seules robes

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