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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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pour
son François, son roi, son seigneur, son César, son fils adoré. Cette
prédiction ne pouvait signifier autre chose qu’une inaltérable assise sur le
trône de France.
    Ce petit gaillard m’avait adopté dès notre première
rencontre. Il était en joie dès qu’il m’apercevait et ses élans n’étaient pas
de feintes attentions. L’attachement profond qui nous unira pendant
quarante-deux années ne connaîtra jamais – ne fût-ce qu’un instant –
l’usure de l’affection.
    Louise de Savoie et Anne de Bretagne, en employant des
termes mesurés, se détestaient au plus haut degré de la haine et les voilà
toutes deux obligées de cohabiter quelque temps. Cela m’inspira bien sûr une
chanson que je fredonnais seulement en cachette pour quelques pages hilares qui
étaient devenus, non pas mes amis, n’exagérons rien, mais mes complices :
être du dernier bien avec moi devenait une règle d’or à la cour ; on me
craignait, tant ma complicité avec mon roi me conférait un pouvoir
« souverain » !
     
    Le danger sera moins grand
    En combattant les Italiens
    Qu’entre les murs imposants
    Du château de Romorantin
    Où deux reines vont s’affronter
    L’une par sa Bretagne entêtée,
    L’autre par son nom de Valois
    Saura faire entendre “Savoie”.
     
    Le voyage dura plus d’un mois, infiniment ralenti par
l’importance des équipages de vénerie dont mon chasseur de roi ne voulait pas
se séparer, même durant cette expédition guerrière semblable aux grandes
croisades des siècles précédents. Dernière halte avant de passer les Alpes et
de nous retrouver en Italie, nous nous arrêtâmes à Lyon où toute l’armée fut
concentrée. Elle était imposante, comprenant près de vingt mille hommes dont
beaucoup d’étrangers. Mon roi avait bien promis à sa belle reine grosse de ses
œuvres de ne pas conduire lui-même les opérations mais il fit entorse à son
serment et dans ses habits d’apparat il passa ses troupes en revue, punissant
impitoyablement les moindres négligences de soudards indisciplinés avant de
chevaucher aux côtés de Jean-Jacques Trivulce.
    Ce Milanais d’origine, de son vrai nom Giovanni-Giacomo
Trivulzio, tout autant bardé de fer dans son armure que de cicatrices sur son
corps, avait pour son âge – il avait passé le demi-siècle – une
vigueur qui laissait pantois les autres chevaliers et qui forçait même
l’admiration des ennemis. Insensible au froid, à la chaleur, pouvant rester des
jours entiers sans quitter sa monture, il était redoutable dans le combat
singulier et grand expert dans les manœuvres sur un champ de bataille. On allie
souvent la bravoure et la vaillance d’un preux chevalier avec le physique
avantageux d’un homme de grande taille au port noble surmonté d’un visage aux
traits réguliers comme celui des seigneurs Bayard et La Palice ; cette
description ne s’appliquait guère à Jean-Jacques Trivulce : il était
petit, rondouillard, avec la figure rougeaude d’un adepte du tonneau de vin.
Toujours est-il que, vissé sur sa selle à pommeau d’or et donnant de robustes
coups d’éperons pour transmettre à son cheval l’ardeur guerrière qui l’animait,
il entraîna l’avant-garde de l’armée royale qui comptait quinze cents soldats
d’infanterie et six cents lanciers suivis de l’artillerie et du reste de la
cavalerie. Mon roi caracolait en tête, pressé lui aussi d’en découdre avec
l’ennemi.
    Je ne participais pas au combat, tu t’en doutes bien.
J’aurais peut-être été efficace comme épouvantail dans un champ de blé mais je
ne suis pas sûr que ma sale trogne aurait suffi à faire fuir l’ennemi sur un
champ de bataille. J’évitais aussi de monter à cheval d’abord parce que ma
bosse sur le dos d’un destrier l’aurait changé en dromadaire, ensuite parce que
je suis un piètre cavalier. La preuve ? Durant les jours de campement à
Lyon, j’avais la charge d’organiser des fêtes impromptues destinées à distraire
l’impatience des chefs d’armée qui ne songeaient qu’à aller promptement mettre
en pièces les Milanais et leur chef Ludovic Sforza dit Le More. Au cours d’une
soirée pour amuser la galerie, j’avais imaginé de singer un chevalier italien
qui se préparait à nous affronter. Juché sur un âne, je fis une entrée
remarquable et remarquée qui provoqua force rires et applaudissements.
    L’animal, ne goûtant guère la plaisanterie, s’offusqua que
l’on

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