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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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Spinola ? »
demanda Anne d’un ton qui excluait toute réponse mensongère.
    Sous le regard sévère de sa reine, mon roi ne chercha pas à
prolonger l’hypocrite étonnement qu’il essaya d’afficher un court
instant :
    « Point, ma brette ! Vous me parlez là d’une dame
qui est sortie de mes pensées depuis presque une année.
    — Vous pensez bien, Louis, que j’ai été mise au courant
de cette rencontre qui aurait pu durement faire chanceler la félicité de notre
mariage. Je sais aussi que vous n’avez pas cédé à la tentation qui, d’après ce
que l’on m’a rapporté, était d’importance tant la dame était d’une rare beauté.
Je vous rappelle que je n’ai jamais oublié vos frasques prémaritales et que
j’ai été suffisamment échaudée par mon premier mari sur les préceptes de la
fidélité.
    « Je voulais simplement vous narrer ce qui est arrivé à
cette Génoise après votre départ et que vous ignorez. Dès que vous quittâtes
Milan, tellement bouleversée qu’elle était par votre rencontre, elle a non seulement
refusé de regagner la couche de son mari mais elle s’est enfermée dans un
couvent où elle a pris le voile en priant jour et nuit pour le salut de votre
âme. On l’a retrouvée pendue dans sa cellule voici deux semaines. Elle a laissé
une lettre à votre intention. Vous plaît-il de la lire ? »
    Elle lui tendit le fin parchemin scellé que Louis hésita un
instant à prendre puis, d’un geste brusque, il l’arracha presque de la main
d’Anne et me le jeta aussitôt au visage : « Brûle ceci
sur-le-champ ! » m’ordonna-t-il.
    Pour détendre l’atmosphère, je pris le temps de dire :
    « Sur le champ, cela prendra du temps, et comme il y a
feu qui brûle dans la cheminée, j’aurais plus vite fait de l’y jeter. Comme tu
vois, je t’obéis au pied de la lettre ! »
    Et je regardai avec mélancolie le parchemin se consumer,
dégageant une légère fumée qui s’effaça dans le conduit de cheminée beaucoup
plus rapidement que le souvenir de la belle Thomassine ne quittera mon cœur
ébloui. Mon roi, par ce geste spontané, venait d’éviter un conflit avec sa
« BretAnne » qui n’attendait que ce prétexte pour lui concocter une
de ses scènes favorites où larmes et criailleries étaient étroitement liées.
Lui qui préférait sourires, chatteries et caresses – qu’elle savait
d’ailleurs aussi bien distiller quand elle le voulait – pour éviter de
pénibles royales scènes de ménage, lui cédait le plus souvent quand cela ne
tirait pas à conséquence. Anne, convaincue de son ascendant sur son envoûté de
mari, semblait à présent vouloir se mêler de toutes les affaires du royaume. Si
Louis se montrait fataliste face à cette aspiration de prise de pouvoir, les
proches conseillers du roi ne partageaient pas sa passivité, en particulier le
maréchal de Gié qui m’avait chassé de ma place dans la détestation de la reine.
Il faut dire qu’elle avait de quoi être attisée : mon roi n’avait rien
trouvé de mieux que de le nommer précepteur du petit François d’Angoulême en
remplacement de Saint-Gelais quand il avait appris la liaison de ce dernier
avec Louise de Savoie. En faisant venir à la cour le petit homme, il faisait
deux heureux, l’enfant et moi. En priant sa maman de l’accompagner, il faisait
deux malheureux, Saint-Gelais bien sûr qui perdait son amante et la reine qui
se retrouvait confrontée avec celle qu’elle accusait de jeter des mauvais sorts
sur ses maternités.
    Elle supportait encore moins de voir le bambin s’amuser et
courir partout, éclatant de santé, alors que sa fille Claude avait besoin de
grands soins à cause de sa santé fragile que des courtisans malveillants ne
manquaient pas de nommer rachitisme. Cependant, elle passait le plus clair de
son temps à faire le dénombrement de tous les princes disponibles d’Europe
susceptibles d’être de bons prétendants pour sa fille qui venait à peine
d’atteindre son quatrième mois. Du matin jusques au soir elle revenait sans
cesse sur ce sujet auprès du roi qui tentait de se dérober en avançant
timidement :
    « Ma Brette, même si c’est la coutume, notre fille
n’est pas encore sortie de son berceau, ne trouvez-vous pas que cela est
prématuré ? »
    Si elle était passée maîtresse dans l’art d’ignorer les
douces réflexions de son époux quand celles-ci allaient à l’encontre de ce
qu’elle avait décidé,

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