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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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grande humilité.
    « Un juge n’est pas au-dessus des lois, il est
seulement là pour les faire respecter », conclut-il pendant qu’une envolée
courroucée de robes écarlates quittaient la salle.
    « Beau Sire, la jugeote de votre jugement pour juger
les juges jugeurs est justement juste et judicieuse », ne puis-je
m’empêcher d’ajouter, ce qui me valut un large sourire de gratitude de la part
de mon roi.
    Les conseillers allaient bientôt prendre congé quand un
messager essoufflé et couvert de poussière fut introduit pour annoncer que la
ville de Milan, profitant de l’absence de son nouveau duc, tentait de se
soulever une nouvelle fois. Sans hésiter un seul instant, bien qu’il n’aimât
pas se séparer trop longtemps de lui, Louis ordonna que Georges d’Amboise
partît pour l’Italie sans tarder, épaulé de hardis chevaliers, heureux de
retourner en découdre et ayant la ferme intention de mettre à sac la cité tout
entière et de mettre à mort les habitants âgés de plus de quinze ans.
    Les Milanais, ayant sûrement eu vent du terrible dessein de
massacre, changèrent vitement d’intention, si bien que Georges d’Amboise entra
dans la ville au milieu d’une foule agenouillée en signe de soumission,
demandant humblement pardon pour ce désir de rébellion. Le conseiller de
Louis XII leur parla d’une douce et intelligible voix, empreinte d’une
froide autorité :
    «  Le Très Chrétien Roy des Francs est vostre vrai et
naturel seigneur à qui vous devez amour, foy et obéissance selon que Dieu l’a
ordonné. Il vous pardonne vos vies, vostre honneur et vos biens, vous exhortant
à vous garder de jamais plus encourir soupçon de rébellion, soubz peine d’estre
chastiés si asprement que la mémoire en reste à toujours. De plus, le Roy
Nostre Sire, dans sa grande fontaine de pitié et dans son infinie sagesse,
convertit l’amende criminelle de trois cent mille écus, en une amende civile de
cent soixante-dix mille écus. »
    Nous approchions de la fin de l’année 1499, la fin du siècle
quinzième. Un nouveau siècle s’ouvrait devant nous et je savais déjà qu’il
verrait s’accomplir ma gloire et si mon roi était le seigneur souverain de tous
ceux dont il avait la charge, je serais le seigneur souverain de tous ceux dont
je me moquais.

 
Chapitre quatrième
    La première année du siècle nouveau se déroula dans une
heureuse quiétude aussi bien dans le royaume qu’à la cour de France. Les époux
royaux vivaient un bonheur conjugal qui forçait l’admiration. Louis était en
adoration et en joie devant sa fille, même s’il avait été déçu qu’elle ne fut
pas garçon ; il pensait conjurer le mauvais sort en répétant :
    « Quand on a fille, c’est bon espoir de
fils ! »
    La reine ne partageait pas la même allégresse, elle était
très inquiète de la santé fragile de Claude et ne se consolait pas de la savoir
un peu contrefaite. En effet, la pauvre enfant avait hérité de la légère
boiterie de sa mère.
    Mon mauvais esprit, aguerri à la causticité, ne cessait de
me seriner :
     
    Jeanne, Anne,
Claude.
    Toutes trois
courtaudes
    S’en allaient
au bal
    Toutes trois
bancales
    Ni ne
savaient baller
    Ni sur quel
pied danser !
     
    Mais ma volonté de survie ne permit jamais que cette phrase
atteignît le bout de ma langue pourtant si bien pendue. Je me serais retrouvé
la langue pendante au bout d’une corde !
    La reine semblait mieux supporter ma présence, ou plutôt
semblait mieux l’ignorer. Point de remarques désobligeantes, point de regards
méprisants, juste une calme indifférence qui m’habillait admirablement au point
de me rendre invisible à ses yeux. Anne la Bretonne était ravie de retrouver
son mari après son accouchement car elle avait de nouveau l’ardeur amoureuse et
elle sollicitait jusqu’à quatre fois par jour son tendre époux qui rejoignait
sa couche avec un désir quelque peu émoussé par la fatigue. Elle n’en avait
cure ! Elle était experte dans l’art de réveiller les ardeurs assoupies de
son conjoint. Néanmoins sa jalousie maladive ne s’était pas éteinte malgré la
conduite irréprochable de mon roi qui clamait partout qu’il avait déposé en
elle tous ses plaisirs et tous ses délices. Cette jalousie trouva un motif pour
s’exprimer au cours d’une scène assez cocasse dont je fus le témoin et que
j’espérais en secret depuis plusieurs mois :
    « Avez-vous des nouvelles de Dame

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