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Le bouffon des rois

Le bouffon des rois

Titel: Le bouffon des rois Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Francis Perrin
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lui était passé expert en promesses mensongères pour
échapper à des scènes pénibles qui commençaient à le lasser. Il lui promettait
les yeux dans les yeux que le futur époux de sa fille était sa préoccupation
majeure et qu’il en parlait chaque jour avec ses conseillers. Dès que nous
étions seuls, je le gourmandais gentiment :
     
    Tu mens si bien,
    que même au
sein
    de l’Empire
ottoman
    nul ne ment
    aussi
finement
    que mon roi
Louis
    et de cela tu
m’en
    laisses tout
ébloui.
     
    Il y a des jours marqués plus que d’autres par des faits
inexplicables. Dans la nuit du 24 au 25 février de ce début de siècle,
vint au monde Charles, fils de Philippe de Habsbourg dit le Beau (si tu
regardes de près son portrait, tu verras que son surnom est bien usurpé !)
et de Jeanne d’Aragon qui sera surnommée plus tard Jeanne la Folle (une
dénomination qui devrait m’en faire une parente pas très éloignée !). Du
côté paternel, ses grands-parents étaient Maximilien d’Autriche et Marie de
Bourgogne et du côté maternel, Ferdinand et Isabelle qui régnaient en Espagne.
    Voilà un bébé qui naissait « on ne peut plus »
nanti : entre les mariages intrafamiliaux et les morts prématurées, son
héritage était conséquent : par sa grand-mère il possédait les dix-sept
provinces flamandes des Pays-Bas, l’Artois, la Franche-Comté, par son père la
souveraineté sur l’Autriche et la Hongrie, par sa mère les royaumes d’Aragon et
de Castille et il était à même de revendiquer la Bourgogne, ralliée depuis peu
au royaume de France.
    Quand les ambassadeurs descendus de la province de Flandre
vinrent nous annoncer la naissance et le baptême de Charles, je compris pour
quelle raison, une semaine plus tôt, j’avais passé une nuit dépourvue de
sommeil, agité par je ne sais quel pressentiment. J’avais eu l’intuition d’un
événement qui allait bouleverser le monde. Durant ma vie, j’ai ressenti
plusieurs fois à l’intérieur de moi des prémonitions d’épisodes importants qui
perturbaient mes nuits en me brouillant l’esprit et l’estomac. Et toujours cela
s’est révélé juste. Au sujet de cette naissance, tu n’as sûrement pas fait le
rapprochement : Charles de Gand allait devenir l’empereur Charles Quint
qui nous causera bien des soucis. Range-le dans un coin de ta mémoire, j’aurai
maintes fois l’occasion de te reparler de lui !
    Dès que la Bretonne entendit cette annonce, elle ne cacha
pas sa joie. Voilà le gendre idéal ! Elle décida donc de marier Claude au
petit-fils de Maximilien afin que sa fille puisse mettre sur sa tête une
couronne d’impératrice.
    À partir de ce moment, j’ai assisté pendant des années à un
ballet fort bien orchestré de mensonges, de cachotteries, de louvoiements, de
dispositions secrètes, d’intrigues, de complots au milieu desquels je me devais
d’être impartial et discret, toujours divertissant mais sans jamais rien
laisser paraître de ce que j’avais vu ou entendu.
    Georges d’Amboise, qui agissait en Italie comme un vice-roi,
ne tarda pas à rentrer en France. Il n’aimait pas rester trop longtemps éloigné
de la cour, soucieux que Pierre de Rohan et Florimond Robertet ne prennent sa
place.
    Il redoutait la concurrence et tenait à rester le conseiller
principal de son roi qui lui fit fête, le gratifiant d’un comté et le rassurant
ainsi sur l’importance de sa position auprès de lui.
    Quand Louis lui apprit le projet d’alliance de Claude et de
Charles de Gand, il parla tout de suite de menace pour l’avenir de la
France :
    « Sire, vous devez prendre garde à la renaissance d’un
grand État féodal ! Il est évident que Bretagne et Bourgogne réunies,
c’est grand danger pour le royaume !
    — Mon cher Amboise, je suis de vostre avis et je m’en
vais faire semblant de lui céder, d’abord pour goûter une paix domestique mais
surtout parce que j’ai besoin de mon alliance avec Maximilien pour aller
conquérir Naples. Il sera toujours temps de me délier d’un engagement dont je
ne minimise pas le danger certain et je suis conscient qu’il faut un héritier à
la Couronne. La reine et moi-même nous nous y appliquons en œuvrant jour et
nuit, mais si, par malheur, le destin nous frappait de sa malédiction en
refusant de masculiniser ma semence royale, il faudra bien envisager un successeur
qui ne soit pas issu de ma descendance. Vous savez l’affection que je porte à
mon

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