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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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ou plutôt exige, votre preste venue en sa ville. Vous saurez à quelle raison.
    Votre très dévouée, respectueuse et affectionnée,
    Bernadine. »
    Un soupir las échappa à l’exécuteur des hautes œuvres. Dieu du ciel, il avait presque oublié son office, espérant peut-être que nul ne le lui rappellerait. Il lui faudrait rejoindre Bellême au demain. Il était trop fatigué, tout comme Fringant, pour s’imposer plusieurs lieues de route au soir tombant.

    Une sorte de langueur saisit cadet-Venelle à l’issue du repas. Il n’avait pourtant bu qu’un gobelet de vin et refusé la généreuse part de crème de prunes aux épices proposée par maîtresse Hase, qui avait été ravie de le revoir.
    Il prit congé de l’aubergiste et se traîna dans sa chambre. De la fenêtre, il salua le chien qui était devenu Aeneas 1 , puisque l’amour qu’avait conçu pour le héros la jeune Lavinia avait été aussi « soudain et vif qu’une morsure de chien ». Un nom un peu trop élégant pour un corniaud efflanqué, fils de quinze pères, mais justement, du moins le pauvre animal posséderait-il quelque chose de joli. Le berger à l’énigmatique pedigree le regarda et remua frénétiquement la queue.
    — Dors, le chien. Tu es repu grâce à la générosité de maîtresse Hase.
    Une incompréhensible fatigue lui alourdissant les membres, il se déshabilla avec des gestes malhabiles avant de s’échouer sur le lit.
    Étrangement, et alors qu’il pensait sombrer bien vite dans l’inconscience, le sommeil se refusa à lui. Une sorte d’étourdissement assez agréable le gagna, lui rappelant une nuit de forte fièvre. Paupières closes, il dériva dans un demi-assoupissement, les images se succédant, s’entremêlant dans son esprit, perdant peu à peu leur netteté et leur cohérence.

    Marie de Salvin le fixait, un rideau de flammes les séparant. Une médaille étincelait à son cou. Pourtant, on enlevait leurs bijoux aux condamnées. Ses longs cheveux couleur de blé mûr cascadaient jusqu’à sa taille. Pourtant, on les lui avait coupés à la hâte. Le silence. Un silence compact. Le brasier était muet. Aucun son, nul rire ne sortait des bouches ouvertes des badauds assemblés pour assister à son exécution. Il lui souriait, semblant inconscient du feu qui allait la consumer. Il s’entendait alors déclarer avec un calme joyeux :
    — Je ne vous ouïs point, ma mie. Votre pardon.
    Elle souriait à son tour et, entre deux langues roux-jaune de feu, lançait :
    — Peu importe, mon doux, attendons le demain.
    Leurs deux voix enchâssées dans un univers de silence.

    Son esprit basculait. Il se retrouvait sur la même place, une pluie fine trempant les pavés irréguliers. Nul signe du bûcher. Et toujours cet impénétrable silence. Pourtant, des enfants jouaient en se pourchassant, des commères bavardaient, des marchands ambulants, traînant leurs petites charrettes à bras, beuglaient pour vanter les mérites incomparables des victuailles, des fanfelues 2 de dame, ou des pots à cuire qu’ils proposaient. Une vieille mendiante chenue et frêle passait en lui destinant un regard si bleu qu’il évoquait une mer froide. Aucun bruit. On eût pu croire qu’une fée 3 espiègle avait jeté un sort au monde, le privant de sons. Jusqu’à ce froissement d’étoffe soyeuse dans son dos. Pourtant, il ne lui venait pas à l’idée de se retourner. Le bruissement léger se rapprochait. Deux bras enserraient sa taille et un corps mince et ferme se laissait aller contre lui. Un souffle tiède caressait sa nuque et une voix murmurait :
    — Rien de ceci n’existe. Tu ignores tant encore.
    — Marie ?

    Il se redressa d’un mouvement brusque dans le lit, épiant l’obscurité épaisse de sa chambre. Le silence du plein de la nuit. Le silence, encore et toujours.
    Hardouin se souvint de quelques rêves si intenses qu’il en avait été troublé au point de chercher des heures entières leur signification 4 . Il avait alors échafaudé des hypothèses, certaines privées de sens, d’autres plus acceptables. Aucune ne s’était jamais vérifiée. À l’instant, il n’avait pas envie de fouiller les méandres de ce songe déroutant. Seule importait la permanence de Marie. Elle l’avait enserré entre ses bras, avait murmuré contre sa nuque. Une question incongrue et déplacée fit s’emballer son cœur au point qu’il plaqua la main sur sa poitrine et inspira bouche ouverte :

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