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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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contentement de sa fille mais lui adressa un sourire.
    De façon bien inhabituelle venant d’elle, Agnès remplit à trois reprises son gobelet et vida l’hypocras à grands traits. Sa mère la surveillait du coin de l’œil, suivant les modifications de son visage, faussement enjoué, puis peiné, puis défait, puis sombre et sévère, farouche 6 enfin.
    — Ma mère… Je ne puis retenir plus longtemps mes pensées. Elles m’enveniment. Sans doute ne sont-elles que sottise et nervosité de femme, inquiétude de mère, mais…
    — De grâce, ma chère fille, confiez-vous car je sens que… enfin… je pressens que…
    — Hum… Que de beaux, de forts et de valeureux mâles… Certes, Jean fut navré il y a six ans par un cerf blessé, Philippe, par des malandrins deux ans plus tard. Mais mon père est décédé, présentant des symptômes similaires à ceux de Guillaume, tout comme mon aîné, François… mari de Mahaut.
    — Où voulez-vous en venir ? demanda sa mère dans un murmure, alors qu’un doute s’était insinué en elle depuis le début de la maladie du petit Guillaume.
    — Croyez-vous, ma mère… croyez-vous que seules des causes naturelles soient à blâmer dans cette succession de trépas ?
    Béatrice de Vigonrin termina son gobelet, évitant le regard de sa fille, qui reprit :
    — Une main criminelle ne pourrait-elle pas être derrière…
    — Un enherbement ? souffla Béatrice, posant aussitôt la main sur ses lèvres tant l’hypothèse était monstrueuse. Monstrueuse mais de plus en plus convaincante.
    — Effarant, n’est-ce pas ? admit Agnès. Pourtant, cette série de décès masculins… les héritiers du titre et des biens…
    — Vous ne supputez pas que…
    — J’en viens aux pires pensées, ma mère.
    Le prénom de Mahaut ne fut pas prononcé. Pourtant, il flottait entre les deux femmes attablées.
    — Quel intérêt aurait-elle à ce que son… à ce que Guillaume décédât à son tour puisqu’il est le dernier hoir de droite lignée ? argumenta Mme mère de Vigonrin.
    — Un argument recevable puisque… puisqu’elle perdrait alors presque tout à l’exclusion d’un douaire modeste. Mais si l’improbable miracle évoqué par ce bon Antoine Méchaud survenait, si Guillaume échappait aux griffes de la mort ? rétorqua Agnès.
    — Alors… alors, ma fille, il faudrait nous interroger, en effet. Toutefois… si vos soupçons étaient fondés, pourquoi avoir enherbé mon petit-fils pour s’acharner à le sauver ensuite ?
    — Une dose modeste de poison afin d’en reproduire les effets, sans risquer de tuer l’enfant. Dans le but d’écarter les soupçons ?
    — Je frémis d’épouvante à la perspective d’une telle machination.
    — Moi également. Toutefois, je pense avant tout à mon fils Étienne. Si un enherbeur… ou plutôt une enherbeuse sévit céans… Il nous faut écraser le serpent au plus preste et sans pitié.
    — Quand doit rentrer votre époux, ma mie ?
    — Eustache ne devrait plus tarder. Je l’attends pour la fin de la semaine. J’avoue qu’en ces circonstances son absence me ronge.
    1 - Tous les habitants d’une maison, du serviteur au seigneur.

    2 - Il s’agissait d’une pratique habituelle à l’époque et en toutes circonstances, afin de rétablir les quatre humeurs.

    3 - Il s’agissait d’une des plantes médicinales les plus utilisées au Moyen Âge. On en mangeait également les feuilles et les fleurs en légume, après avoir enlevé les épines.

    4 - Abréviation de « en cas de besoin », décliné en « en-cas de nuit, en-cas de bouche », etc.

    5 - Repas agréable et abondant.

    6 - Dans le sens de rude et sauvage, indomptable.

XXI
    Nogent-le-Rotrou, octobre 1305, encore plus tard
    U n court message volontairement allusif, signé de Bernadine, attendait Hardouin cadet-Venelle chez le loueur de chevaux et d’attelages. Fine, sa servante, qui ignorait où il avait trouvé gîte en Nogent, s’était doutée que Fringant serait traité avec égards chez un loueur et non poussé dans la grange encombrée et sombre d’une quelconque auberge. Il déchiffra l’écriture appliquée et régulière. Les bourreaux si méprisés formaient une caste instruite, presque tous sachant lire et écrire.
    « Mon bien-aimé maître,
    Le secrétaire du sous-bailli de Bellême vous fait mander. Il est passé trois fois depuis votre départ, s’agitant en tous sens telle une poule énervée. Il attend,

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