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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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je crois vos déductions sensées. Un être qui vit non loin de Nogent-le-Rotrou, où l’on a habitude de le rencontrer sans lui prêter attention particulière. De fait, un étranger se repère vite dans une bourgade.
    Le mire réfléchit quelques instants et déclara d’une voix tendue :
    — Messire Venelle… Qui êtes-vous au juste ? Sauf votre honneur 3 , mais je ne crois guère à cette histoire que vous me servîtes : un meurtre survenu en Mortagne aurait pu être commis par la même main expliquant votre intérêt pour notre ville. Je vois tant d’êtres défiler. Tant me mentent, par calcul, par pudeur, parfois par crainte. Si ma question vous ulcère, balayez-la, sans m’en tenir rigueur.
    Cadet-Venelle se souvint brutalement que, dans quelques heures, il devrait revêtir ses habits de mort afin de tourmenter ou d’exécuter en Bellême un parfait inconnu. Son regard gris épingla le praticien qui regretta son indiscrétion. Un regard sans fin, hormis celle du monde. Méchaud plongea alors dans un gouffre capable d’éteindre toute vie, un effroyable cataclysme contenu dans deux iris. Il s’en voulut de ces pensées superstitieuses. Sornettes que tout ceci ! La suite devait le blesser davantage puisqu’il y découvrit combien il se leurrait sur sa connaissance des créatures humaines.
    — Messire Méchaud… jurez-vous devant Dieu et sur votre âme que rien de ce qui va suivre ne sortira de cette chambre ? Pas même au profit d’un prêtre ?
    Étrangement, le mire ne fut pas surpris par cette exigence, ni par le ton à la fois solennel et féroce sur lequel elle avait été proférée :
    — Je le jure. Maudit si je m’en dédis.
    — Vous comprendrez ainsi pourquoi j’ai jugé… inconvenant de me présenter à nouveau devant votre fille d’alliance, madame Blanche. Un homme est de bien peu et fort rustre s’il oblige une dame à l’éconduire. Il se doit de comprendre lorsqu’il ne sera pas souhaité et se retirer sans insistance.
    Il s’agissait d’un demi-mensonge. De fait, Blanche Méchaud eût été humiliée d’avoir éprouvé et laissé entrevoir le petit émoi de cœur qu’elle avait ressenti envers un bourreau. Mais, surtout, l’esprit d’Hardouin était empli par le fantôme de Marie de Salvin. Il ne luttait même pas contre cet envahissement par une morte, une morte qu’il avait occise, sans l’ombre d’une hésitation, une éternité auparavant. Sans doute aurait-il dû se débattre, repousser cette obsession malsaine. Mais quelle belle, quelle parfaite obsession. Jamais il ne s’était senti aussi vibrant de vie que depuis qu’il vivait avec le souvenir d’une défunte.
    — Je ne…, commença Antoine Méchaud.
    Un léger geste d’Hardouin l’interrompit.
    — Permettez que je poursuive. L’aveu n’est guère aisé et pourrait me rentrer dedans la gorge pour n’en plus vouloir sortir. Je… Mon nom d’usage est Monsieur Justice de Mortagne.
    Antoine Méchaud se leva d’un bond, son visage se vidant de son sang.
    — Le… ?
    — Le bourreau, en effet. Ou, plus… gentiment, l’exécuteur des hautes œuvres.
    — Dieu du ciel ! murmura le praticien.
    — Un bourreau de justice afin de mettre terme aux exactions d’un bourreau d’injustice, quoi de plus adapté ? ironisa Hardouin qu’une terrible tristesse avait envahi. Le… bourreau, le brise-col de messire Arnaud de Tisans, que votre bailli, Guy de Trais, aurait appelé à son aide.
    Une incompréhensible volonté de choquer, de se vautrer dans la réputation nauséabonde de sa caste d’exclus et, au fond, de revendiquer ce qu’il était, ce qu’on avait fait de lui afin que tous puissent garder leurs mains vierges de sang, le saisit. Il poursuivit d’un ton léger :
    — À ce sujet, j’ai tranché l’oreille du triste sieur Gaston Lecoq. Il ne semblait pas assez disposé à la causerie de bon aloi. Du moins à mon goût. Rien de tel pour rendre un homme bavard. J’en ai grande habitude.
    Le vieux médecin le considéra un instant. Puis :
    — Hum… Auriez-vous donc besoin que je vous exècre pour m’accorder votre confiance ? Pensez-vous qu’une fois la surprise passée votre office me soit un repoussoir ? Bourreau, bourreau… J’ai vu des enherbements, examiné des bébés jetés dans des rivières ou des feux de cheminée. J’ai dénoncé, ainsi que je le dois pour éviter toute accusation de complicité, des meurtres déguisés en accidents, en maladies, en

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