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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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collés de sang, de boue, de poussière. Son corps efflanqué, aux côtes saillantes, était strié de coups de fouet, le bas du ventre et la bouche maculés de sang. À l’instar des autres, il avait été émasculé, avant même d’être un véritable mâle.
    Hardouin cadet-Venelle souleva sa lèvre supérieure. Ses incisives et ses canines avaient été arrachées. Un calme irréel et glacé envahit le bourreau. Un jour, une nuit, il resterait seul avec le coupable de ces actes innommables. « Œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, meurtrissure pour meurtrissure, plaie pour plaie 4 . » Jamais l’axiome de justice écrit dans le Livre ne connaîtrait une plus implacable application.
    Il le jurait devant Dieu.
    Dent pour dent.

    — Ah… Divin Agneau, les autres… les autres avaient… toutes leurs dents… gémit le mire. Ce monstre deviendrait-il encore plus démoniaque si la chose est possible ? Euh… peut-être était-il… l’enfant… déjà mort lorsque… lorsque… voulut-il se rassurer.
    — Non. Il a saigné à profusion. Il était donc bien vif. Nous ne pouvons qu’espérer qu’il ait été déjà inconscient, rectifia le bourreau d’un ton parfaitement paisible. Retournons-le, voulez-vous… pour voir si… Enfin, votre art m’est nécessaire.
    Lèvres crispées, Antoine Méchaud examina le dos du garçonnet, du sang maculait le bas de ses fesses.
    — Il a été… sodomisé, avec brutalité.
    — Bien.
    Stupéfait par cette intolérable sortie, le mire scruta le visage impassible d’Hardouin. L’immense regard gris fixait les omoplates maigres du garçonnet, striées de marques rougeâtres abandonnées par de larges lanières. Une pensée incongrue, terrorisante, traversa l’esprit d’Antoine Méchaud : ce gris, ce gris, à cet instant précis, était la couleur de l’enfer. Point d’autre, ni rouge, ni feu, ni noir. Il venait d’entrevoir l’enfer.
    Il vit M. Justice de Mortagne faufiler ses doigts sous les cheveux afin de palper le crâne de l’enfant mort. Le bourreau écarta quelques mèches situées au sommet et se pencha. Une plaie en étoile avait saigné, des éclats d’os pénétrant dans la matière cérébrale.
    — La boîte crânienne a été défoncée.
    — Assez pour le tuer ? On prétend que vous êtes admirables chirurgiens.
    — Je l’ignore. Je prie juste pour que le coup ait été asséné au début… avant le reste.
    — Je… pouvons-nous recouvrir la dépouille ?
    Hardouin rabattit l’étoffe de laine sur le garçonnet. Le médecin reprit :
    — Je… Nulle offense, mais je vous trouve si… serein…
    — Pourquoi ne le serais-je pas ?
    — Eh bien… l’enfant est mort d’affreuse façon, comme d’autres avant lui et…
    — En effet. Mon attention va à ceux qui suivront même si je n’oublierai pas les petits trépassés, je vous l’assure.
    L’enfer. L’enfer était gris pâle et gelé. L’enfer était ce regard qui le fixait.
    — Allons, messire mire, partons. Il ne nous apprendra rien de plus 5 . Je me dois rendre en cette bonne ville de Bellême.
    — Afin de…
    — Afin d’exercer mon office.
    1 - Il existe aujourd’hui un chemin d’accès bien plus praticable.

    2 - Sorte de lance terminée par une pointe et portant un croc et d’autres pointes sur les côtés.

    3 - Du latin petasus . Chapeau bas à bords larges. Le mot a désigné ensuite n’importe quel chapeau masculin.

    4 - Exode 21, 23-25. Connue sous le nom de « loi du talion », où la peine doit être proportionnée au crime. La justice médiévale était basée sur ce principe, du moins symboliquement, dans le sens où les actes étaient punis par « où » ils avaient été commis. Ainsi, on coupait la main du voleur. Ceci peut sembler féroce à notre regard moderne mais en réalité, dans l’esprit de l’époque, il s’agissait de ne pas punir un acte de façon abusive, comme punir de mort un voleur, par exemple.

    5 - Rappelons que les autopsies étaient à l’époque interdites par l’Église, sauf sur les suicidés ou condamnés à mort. Toutefois, même dans ces cas, elles n’intéressaient pas les médecins.

XXIV
    Citadelle du Louvre, Paris, octobre 1305
    M essire Guillaume de Nogaret terminait son frugal souper, la mine pensive. Il avait toléré qu’un jeune serviteur lance une flambée dans la vaste salle d’études, tout en s’agaçant de ce mince confort. Le

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