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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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conseiller du roi trouvait un certain plaisir dans les petites brimades qu’il s’imposait quotidiennement : nourriture à peine rassasiante, peu goûteuse, froid humide de ses appartements, brèves nuits. Il ne s’agissait pas véritablement d’une appétence pour la mortification, mais davantage d’une forme d’orgueil dont il refusait d’admettre la nature. Lui était au-dessus des autres, plus discipliné, plus ferme, plus exigeant envers lui-même. Nogaret éprouvait un mépris sans hargne pour tous ces courtisans, ces grands barons qui ripaillaient, s’enivraient pour aller ensuite s’échouer sur une couche afin de cuver leurs excès. Tous ces nobles, nobliaux ou riches bourgeois fascinés par les oripeaux orfraisés et chargés de rubans, de bijoux, déguisant leurs valets et même leurs chiens de tuniques brodées à leurs armes, lorsqu’ils en possédaient.
    Bah ! Ainsi allait le monde et il ne le changerait pas, d’autant que ces travers lui rendaient de précieux services. S’efforçant de mener grand train, souvent bien au-dessus de leurs fortunes, certains tentaient de monnayer de menues indiscrétions, parfois utiles à Nogaret. Rumeurs d’antichambres ou colportages de couloirs, tout intéressait le conseiller, qui promettait beaucoup, de façon suffisamment vague pour ne jamais tenir ses engagements et pouvoir feindre l’éberlué lorsqu’un déçu avait le peu de jugement d’insister.
    Il repoussa l’écuelle de soupe épaisse qu’il avait nettoyée avec soin, n’en laissant pas perdre une goutte.
    Que faire de cet Émile Chappe ? Continuer de l’encourager subtilement à espionner Mgr de Valois ? L’idée s’avérait réjouissante, puisqu’il ne disposait d’aucune autre mouche 1 dans la place. Cela étant, Guillaume de Nogaret lisait dans l’âme humaine aussi aisément que dans un livre, surtout dans les âmes tachées. Chappe appartenait à cette étrange race des traîtres qui ne supportent pas leur perfidie et leur ignominie et préfèrent se mentir à eux-mêmes en justifiant leur vilain commerce de manière à le tolérer. En dépit du peu d’estime que le conseiller éprouvait pour Mgr de Valois, il n’était pas plus mauvais maître qu’un autre. Toutefois, sans doute n’avait-il pas offert à Chappe ce que celui-ci espérait. En d’autres termes, en situation similaire, le petit Émile lui réserverait le même déplaisant tour qu’au frère du roi. Aux yeux de messire de Nogaret, les traîtres intéressés possédaient une immense qualité : leur prévisibilité.
    Un coup frappé contre la haute porte de la salle d’études interrompit ses pensées mi-amusées, mi-agacées.
    Un huissier pénétra à son ordre et annonça l’arrivée de l’homme qu’il attendait sans trop savoir ce que celui-ci voulait. Cependant, la volonté de Philippe le Bel de mater l’Ordre du Temple rendait cette visite intrigante.
    Un homme grand, d’une belle minceur musclée, pénétra. Nogaret remarqua aussitôt l’élégante puissance qui se dégageait de chacun de ses gestes. Il s’inclina et se présenta :
    — Hugues de Plisans 2 , chevalier templier, pour vous servir, messire conseiller.
    Âgé d’à peine vingt-cinq ans, il portait ses cheveux blond moyen mi-longs. Un magnifique spécimen de la gent forte. Nogaret soutint le regard très bleu, attendant la suite, sans inviter son interlocuteur à s’asseoir, songeant qu’il serait ainsi plus facile de le congédier si ses propos le lassaient.
    — Conscient que votre temps est compté, permettez de grâce que j’entre sitôt dans le vif, au risque de vous infliger un discours décousu et peut-être même peu crédible.
    — Faites, répondit Nogaret, sur ses gardes.
    — Je vous conjure de croire, messire, que mon unique souhait, but, est de sauver mon ordre d’une dissolution que je redoute. Ou pis. Je n’ai aucune illusion : le souverain pontife promet merveilles et appui à notre grand-maître, Jacques de Molay. Il l’abandonnera dès que son soutien déplaira au roi, ne serait-ce que pour éviter qu’un discrédit ne retombe sur l’Église.
    De fait, l’entrée en matière était brutale.
    — Comme vous y allez. Le roi n’a nulle envie de dissoudre votre ordre soldat, même s’il souhaite y insuffler un peu plus de… rigueur, mentit Nogaret.
    Un mince sourire dubitatif accueillit sa sortie.
    — Molay s’obstinera jusqu’à la déraison afin de préserver l’intégrité et

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