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Le Brasier de Justice

Le Brasier de Justice

Titel: Le Brasier de Justice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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mire parcourut la feuille, s’arrêtant parfois :
    — Ici, au bout de la Rue porte-rivière… Là, au coin de la Rue des poteries, là encore, au bout de la Rue des bouchers…
    À chaque fois, Hardouin trouait légèrement la feuille de la pointe acérée de sa dague.
    Lorsque le mire s’interrompit, en ayant signalé l’endroit de découverte du dernier petit mort, une sorte d’essaim de trous légers s’était formé sur la feuille qu’Hardouin replia avec soin. Un essaim si régulier qu’il en devenait surprenant.
    — Qu’allez-vous faire, messire Venelle ?
    Un regard en gouffre gris le détailla. D’une voix douce et aimable, le bourreau lui répondit :
    — Décourager le meurtrier de poursuivre. N’est-ce pas ce que tout le monde souhaite ?
    — Allez-vous le… enfin… ou plutôt le livrer à la justice ?
    — Vous me prêtez d’horribles intentions, feignit de protester M. de Mortagne. Et puis… et s’il représentait la justice ?
    — Guy de Trais ? murmura le mire en jetant un regard d’affolement autour de lui.
    — Qui sait ? Lui ou un autre, ou même les deux… Quelle importance ? N’avez-vous pas remarqué… sur la feuille…
    — Le petit nuage de trous de dague, figurant les endroits où furent déposés les corps martyrisés, encercle l’hôtel particulier du bailli, au sujet duquel ont couru de sombres rumeurs, concéda à regret le vieux praticien.
    — Quelle magnifique chose que le sens d’observation des médecins, plaisanta le Maître de Haute Justice en prenant congé.

    Il arpenta ce qu’il nommait maintenant le « bourg l’essaim », situé entre le bourg Saint-Jean et le Bourg-le-Comte. Il contempla l’imposante demeure de fonction de Guy de Trais, qui respirait l’opulence pour ne pas dire le luxe. Par la grille du haut porche qui trouait un dissuasif mur d’enceinte, il admira des jardins aux allées ponctuées de buis taillés, aux massifs de fleurs, aux pelouses si régulières qu’une armée de domestiques devait veiller à leur symétrie et à leur enchanteresse verdeur. De Trais menait belle vie. Un hôtel bien plus modeste, un peu plus loin dans la rue, retint son attention. Une nuée d’artisans s’affairait à le reconstruire, à le consolider et à l’agrandir. Il s’approcha d’un maçon qu’il reconnut à son grand tablier et à ses avant-manches 1 d’épais cuir fauve.
    — Belle ouvrage ! Cela fait plaisir de voir qu’un élégant bâtiment est secouru de la sorte.
    — Ouais. Mais y en a ben pour deux ans ! Entre la charpente et les maçonneries, y a d’quoi besogner.
    — Un riche commerçant, je suppose ?
    — Non… un homme du bailli qu’a fait plaisant héritage. Ça, y en a qui sont nés avec le bec dedans, si m’en croyez. C’est pas à moi qu’ça arriverait !
    — Certes ! Mais du moins emploie-t-il son argent à bon escient, même s’il n’a pas peiné à le gagner, plaisanta Hardouin, sans avoir besoin de précisions.

    Qui suivre ? Le rat ou le morceau de fromage moisi ? Amusé par cette nouvelle devinette, Hardouin cadet-Venelle pénétra dans la première auberge dont il repéra l’enseigne. Pas un chat, ni un rat, justement. Il ressortit aussitôt, adressant un petit signe d’excuse au tavernier qui se précipitait avec empressement vers son unique client. Il flâna un peu puis retrouva le chemin de la Rue des poupardières afin d’y déjeuner en paix à la Hase Guindée et d’y dormir un peu. Seul le destin, son confidentiel destin, savait si la prochaine nuit serait blanche ou de sommeil.
    Il resta allongé dans sa chambre après son court repos, son esprit vaguant, passant d’une pensée, d’un souvenir à l’autre, sans suite apparente. Le visage, le regard de Marie de Salvin – avant qu’on ne lui coupe les cheveux à la hâte, avant qu’elle ne revête la robe de bure trempée dans du soufre – s’interposaient sans cesse, au point qu’on eût pu croire qu’il l’avait connue de toute vie. Elle se mêlait à sa mémoire comme si elle en possédait toutes les clefs. Il en était à la fois heureux, reconnaissant et si bouleversé qu’il l’invitait à investir les moindres recoins de son âme et à ne les jamais plus abandonner. Une prière à peine consciente tournait sans relâche dans sa tête : ne me quittez pas. Je vous en conjure, madame, ne me quittez jamais.
    1 - Demi-manches qui couvraient les avant-bras, en matériaux différents (cuir, toile, etc.),

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