Le bûcher de Montségur
aient tenu compte de cette recommandation, ni que leurs pouvoirs effectifs aient été diminués.
Dès le retour des inquisiteurs à Toulouse les procès recommencèrent, avec plus de violence qu’auparavant. Un grand nombre de personnes furent dénoncées par le parfait Raymond Gros qui était venu se convertir spontanément ; ses révélations causèrent beaucoup de procès posthumes, et de nombreux défunts de la haute bourgeoisie et de la noblesse furent exhumés et livrés aux flammes. En septembre 1237 il y eut également une véritable rafle sur les cimetières, et les tombes d’une vingtaine de personnes des plus respectées dans la ville furent violées, leurs ossements ou leurs cadavres décomposés furent traînés par les rues sur des claies, tandis que le crieur public proclamait les noms des défunts et criait : « qui atal fara, atal pendra » (qui ainsi fera, ainsi prendra).
Quant aux vivants, G. Pelhisson en cite une dizaine environ qui furent brûlés, mais les condamnations à mort étaient plus faciles à prononcer qu’à exécuter ; plusieurs condamnés appartenaient à des familles nobles ou consulaires, et les inquisiteurs, semble-t-il, n’avaient pas eu la possibilité de s’emparer de leurs personnes, car le viguier et les consuls avaient refusé de les arrêter, ce qui leur valut une nouvelle excommunication. Protégés par les autorités, les hérétiques notoires de Toulouse quittaient le pays, et allaient se réfugier soit dans des cachettes ignorées des inquisiteurs, soit au château de Montségur qui était un lieu de refuge pratiquement inviolable et était devenu le centre officiel de la résistance cathare.
Tout comme à Toulouse, l’Inquisition rencontrait dans les terres soumises au roi de France une résistance parfois sourde, parfois violente, mais obtenait un succès certain par la peur qu’elle inspirait. À ses débuts, en 1233, elle eut deux martyrs, car deux inquisiteurs venus enquêter à Cordes y furent assassinés au cours d’une émeute. Ils ne s’aventurèrent ensuite dans les campagnes qu’avec une escorte armée ; mais à Albi, en 1234, l’inquisiteur Arnaud Cathala, ayant décidé d’aller lui-même déterrer une femme morte hérétique (le viguier s’y étant refusé), se vit traîné hors du cimetière, roué de coups et menacé de mort par la foule.
À Narbonne, ville qui avait échappé aux malheurs de la croisade et qui était réputée catholique, l’apparition de l’Inquisition provoqua des troubles ; le bourg était, semble-t-il, plus atteint d’hérésie que la cité, et en tout cas hostile aux Dominicains et à l’archevêque. Ici, l’émeute avait pris plutôt un caractère politique, les consuls du bourg accusant l’archevêque et les inquisiteurs de vouloir réduire leurs franchises municipales. Donc, à l’exemple des villes italiennes, Narbonne se divisa en deux clans, la cité et le bourg, la première prenant parti pour l’archevêque et l’inquisiteur Frère Ferrier, le second exigeant leur départ ; comme partout ailleurs les Frères prêcheurs, à cause de leur impopularité, eurent particulièrement à souffrir de ces querelles intestines, car leur couvent fut, en 1234, envahi par des bourgeois révoltés, saccagé et pillé. Hardiesse plus grande encore, les consuls du bourg appelèrent à leur aide le comte de Toulouse, et celui-ci y vint en personne pour rétablir la paix (bien que Narbonne fût terre du roi de France), établit dans le bourg un baile dépendant de lui et y installa Olivier de Termes et Guiraud de Niort, puissants seigneurs hérétiques et ennemis déclarés de l’archevêque.
L’affaire se termina par la victoire de la cité, grâce à l’appui de l’autorité royale représentée par le sénéchal J. de Friscamps. Et pour se défendre contre l’hostilité permanente des gens du bourg, les consuls de la cité durent longuement supplier Frère Ferrier de revenir à Narbonne pour y exercer à nouveau son office d’inquisiteur.
Tout en travaillant, selon les dires du comte, « plutôt pour engager dans l’erreur que pour ramener à la vérité », en cinq ans les inquisiteurs réussirent à créer dans le Languedoc un climat de terreur qui leur amena un grand nombre de soumissions volontaires, en général de personnes qui n’avaient fait que manifester leur sympathie pour l’hérésie. À titre d'exemple, on peut constater que P. Seila imposa, à Montauban, 243 pénitences
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