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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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Languedoc, quelle était sa puissance réelle et ce que furent ses répercussions sur la vie du pays.
    Le principe d’une répression méthodique de l’hérésie, confiée à un organisme spécial, impliquait bien, dans l’esprit de Grégoire IX, un renouvellement des formes traditionnelles dans lesquelles cette répression s’était jusqu’alors exercée. Les hérétiques, depuis près d’un siècle, luttaient contre la justice ecclésiastique, et une longue habitude les avait rendus habiles à tenir l’adversaire en échec. Les procédés nouveaux, préconisés et encouragés par le pape, sortaient donc de la légalité, ou de ce qui était jusqu’alors communément admis comme légal. Le code de Justinien, en vigueur à l’époque pour la procédure criminelle, prévoyait pour les poursuites en justice une série de mesures susceptibles de garantir les droits de l’accusé. Toute poursuite reposait soit sur l’action d’un accusateur chargé de fournir les preuves du délit, soit sur une dénonciation faite au juge et devant être prouvée par des témoignages, soit sur la notoriété publique et manifeste du délit ; et seul, ce dernier cas pouvait permettre au juge de procéder lui-même sans accusation ou dénonciation de la part de particuliers, et encore fallait-il que le fait de la notoriété fût prouvé par des témoins suffisamment nombreux.
    Or, en ce qui concerne l’hérésie, les cas de dénonciation et à plus forte raison d’accusation étaient rares ; et, après le traité de Paris, les cas de notoriété publique commençaient à l’être également ; nous avons vu, dans le procès des seigneurs de Niort, que ces derniers ne manquèrent pas de témoins affirmant leur dévouement à la foi catholique, bien qu’ils fussent des hérétiques déclarés. Or, si de puissants seigneurs, qui protégeaient ouvertement l’hérésie et militaient pour sa cause, parvenaient à passer pour catholiques aux yeux de personnes ecclésiastiques, la masse des simples croyants devait être plus habile encore à dissimuler ses sentiments ; et bien des gens pouvaient pratiquer en paix leur religion, quitte à ne pas l’afficher devant des personnes suspectes de sympathie pour les clercs. Dans un pays qui venait de passer par vingt ans de guerre et d’oppression, la force de cet esprit de dissimulation collective devait être assez grande. Une dissimulation qui n’est pas tenue pour de l’hypocrisie, mais pour une légitime réaction de défense, peut aller très loin : ainsi, à Toulouse, A. Peyre, donat du chapitre de Saint-Sernin, professait l’hérésie et fut cependant enterré dans le cloître de l’église.
    En fin de compte, seuls étaient hérétiques notoires les parfaits connus pour tels et continuant à exercer leur ministère : ceux-là étaient difficiles à atteindre. Ils étaient des centaines, et les procès des années 1229-1233 ne signalent que quelques cas isolés de captures dues plus ou moins au hasard. La procédure judiciaire devait changer d’aspect pour devenir efficace.
    Elle ne pouvait le devenir qu’en s’écartant de la lettre de la loi qui voulait qu’un suspect, pour être traduit en justice, fût dénoncé par une personne de bonne réputation et impartiale, et que l’accusé pût être confronté avec les témoins qui ont déposé contre lui. Or, étaient exclues du droit de témoigner contre un accusé : 1° toutes les personnes qu’il pouvait considérer comme ses « ennemis capitaux », et la définition de cette inimitié capitale embrassait en fait toutes les personnes qui, à une époque quelconque, avaient porté préjudice à l’accusé ou même proféré des injures à son égard ; 2° les personnes de sa famille, ses serviteurs et, en général, les personnes dépendant de l’accusé d’une façon quelconque ; 3° les excommuniés, les hérétiques, les personnes frappées d’infamie.
    Pour des crimes particulièrement graves, dits « crimes exceptés », tels que la haute trahison, la lèse-majesté, le sacrilège et l’hérésie, les consanguins et les serviteurs pouvaient être entendus comme témoins. L’Inquisition étendit ce droit à toutes les autres catégories d’incapables, sauf les ennemis capitaux. Nous avons vu que, pour recevoir le témoignage de Guillaume de Solier contre ses coreligionnaires, le cardinal de Saint-Ange avait dû réconcilier à l’Église et réhabiliter l’ancien parfait. Les inquisiteurs

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