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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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horrifiée sans doute, mais nullement intimidée, « persévéra de plus en plus dans son obstination hérétique ». La scène se passait devant de nombreux témoins, dont le narrateur, G. Pelhisson.
    Convaincu de l’irrémédiable endurcissement de la femme, l’évêque fit appeler le viguier ; et après un jugement sommaire, la vieille dame, incapable de marcher, fut emportée dans son lit jusqu’au Pré-du-Comte, où elle fut déposée sur un bûcher que l’on alluma aussitôt. « Cela fini, dit G. Pelhisson, l’évêque, les religieux et leur suite revinrent au réfectoire, consommer avec joie ce qui leur avait été servi, rendant grâce à Dieu et à saint Dominique 162 . »
    Ce récit, qui eût pu passer pour une calomnie inventée par les ennemis de l’Inquisition, ne peut être mis en doute, car le Dominicain G. Pelhisson n’avait aucun intérêt à l’inventer ; il est pourtant si étrange qu’il ressemble à une histoire de fou. La dureté des mœurs de l’époque ne l’explique pas, et du reste le principal personnage est un évêque et non un chevalier brigand ; le fanatisme même n’explique pas l’acharnement de toute une assemblée de religieux contre une vieille femme impotente, qui, damnée pour damnée, eût peut-être pu mourir en paix, quitte à être brûlée après sa mort. Ce qui surprend davantage encore, c’est la comédie jouée par Raymond du Fauga, en présence du prieur et d’un grand nombre de Dominicains, tous complices volontaires ou involontaires ; comédie tout à fait indigne de la majesté épiscopale et qui abaissait un évêque au rang d’un espion. Et cependant, le narrateur félicite plutôt l’évêque de son habileté, et ne ment sans doute pas en parlant de la « joie » des religieux qui reviennent au réfectoire manger leur repas si providentiellement interrompu. Une telle attitude fait penser à celle d’une confrérie militante, de quelque Ku-Klux-Klan légal, mais traqué, persécuté, décidé à vaincre par tous les moyens. Et une partie au moins des Dominicains du Languedoc devait à cette époque ressembler à une telle confrérie. C’était la raison pour laquelle l’office de l’Inquisition avait été confié à eux et non à d’autres ; c’était aussi pourquoi les protestations, l’hostilité systématique du comte et des consuls visaient avant tout les Dominicains.
    L’exécution de la belle-mère de Peytavi Borsier provoqua dans Toulouse plus de terreur encore que d’indignation ; elle fut suivie par un sermon public du prieur des Dominicains, Pons de Saint-Gilles, lequel parla du bûcher où se calcinaient les restes de la pauvre vieille comme du feu que le prophète Élie fit descendre du ciel pour confondre les prêtres de Baal 163 , et défia solennellement les hérétiques et leurs protecteurs ; ensuite il adjura les catholiques « de bannir toute crainte et de rendre témoignage à la vérité ». Pendant les sept jours qui suivirent des foules de « catholiques » vinrent en effet rendre témoignage à la vérité, se repentir de leurs fautes passées ou se blanchir en dénonçant des suspects. « Parmi ces foules beaucoup de personnes abjurèrent l’hérésie, d’autres avouèrent qu’elles y étaient retombées et revinrent à l’unité de l’Église ; d’autres enfin dénoncèrent des hérétiques et promirent de le faire toujours en temps utile 164 . » Le narrateur, décidément peu optimiste, tout en louant Dieu de l’efficacité des recherches des inquisiteurs, ajoute : « Et ainsi commencées elles se poursuivront jusqu’à la fin du monde 165 . »
    Cependant, les exhumations et condamnations posthumes d’hérétiques, de plus en plus nombreuses, continuaient à provoquer des désordres dans la ville ; et les consuls et les officiers du comte se servaient de leurs pouvoirs pour favoriser les évasions de beaucoup de personnes condamnées à la prison perpétuelle ou au bûcher. Pour mettre fin à cette opposition presque ouverte des autorités civiles, les inquisiteurs décidèrent de citer en jugement comme hérétiques plusieurs des notables de la ville. C’étaient des croyants notoires, ou même des ecclésiastiques suspects de favoriser l’hérésie ; trois d’entre eux – Bernard Séguier, Mauran et Raymond Roger – étaient consuls. Ils refusèrent de comparaître, et demandèrent à Guillaume Arnaud de suspendre sur-le-champ tous les procès d’inquisition ou de

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