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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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différence de ce qui se passait avant 1229, les hérétiques revêtus n’étaient pas seuls à encourir la peine de mort ; nous avons vu l’indignation des gens de Toulouse qui, lors de la première condamnation de Jean Tisseyre, avaient voulu empêcher les juges de brûler un homme marié  ; on n’exécutait plus les seuls parfaits, mais aussi des croyants obstinés, ce qui augmentait la terreur qu’inspiraient les inquisiteurs : tout homme, à présent, pouvait, avec un peu d’imagination, se croire promis au bûcher.
    En fait, la grande majorité des suspects n’encouraient que des pénitences canoniques. Or, ces pénitences désorganisaient gravement la vie des personnes qui y étaient condamnées et celle de leurs familles. Ces pénitences étaient les suivantes : 1° le portement de « croix pour hérésie », pénitence inventée ou du moins appliquée pour la première fois par saint Dominique ; 2° l’obligation de faire un pèlerinage ; 3° l’accomplissement d’une œuvre de charité, comme par exemple l’entretien d’un pauvre pendant plusieurs années ou même toute la vie du pénitent. Ces pénitences n’avaient en elles-mêmes rien d’insolite, et étaient communément utilisées par la justice ecclésiastique. Mais imposées en grand nombre, pour des délits souvent minimes, elles risquaient de devenir un fléau.
    Le portement de croix, peine infamante, visait en principe des hérétiques revêtus spontanément convertis (cf. règlements du concile de Toulouse). En fait, les parfaits bénéficiaient rarement d’une punition aussi douce, qui s’appliquait plutôt à des croyants ordinaires ; il semble que, dans les premières années de l’Inquisition, cette pénitence n’ait pas été la plias usitée : en effet, le fait d’avoir été hérétique n’était pas une honte, dans un pays où l’hérésie n’inspirait ni haine ni mépris ; et si ce châtiment peu sévère était le prix d’une délation grave, il pouvait désigner à l’hostilité des hérétiques des convertis que l’Église avait intérêt à protéger, et même à utiliser comme espions. Plus tard, vers la fin du siècle, ce châtiment devait devenir au contraire très redouté, car il fit des « croisés pour hérésie » de véritables parias, boycottés par leurs concitoyens ; aussi devint-il beaucoup plus fréquent.
    Les pèlerinages, par contre, de même que les peines pécuniaires, étaient imposés à presque tous les suspects qui s’étaient volontairement présentés au tribunal ; ils présentaient l’avantage d’éloigner l’hérétique présumé de son pays pour un temps plus ou moins long ; mais on imagine assez les difficultés qui devaient en résulter pour sa famille, pour ses affaires, sans compter le fait que pour des gens sans fortune ces voyages obligatoires entraînaient des dépenses au-dessus de leurs moyens. Beaucoup de pénitents n’étaient ainsi envoyés qu’au Puy ou à Saint-Gilles ; mais la plupart devaient se rendre à Saint-Jacques-de-Compostelle ou à Cantorbéry, à Paris ou à Rome ; certains, par exemple, au Puy, à Saint-Gilles, à Saint-Jacques-de-Compostelle et à Cantorbéry, ce qui les forçait à traverser les Pyrénées et la Catalogne, revenir en Languedoc, traverser la France, passer la mer, aller à Cantorbéry : un tel pèlerinage, avec le voyage de retour, devait prendre plusieurs mois. Le pénitent était porteur d’une lettre délivrée par le juge et qu’il devait faire viser par les autorités religieuses des lieux de pèlerinage. D’autres pèlerins – en particulier des militaires – étaient envoyés soit en Terre Sainte, soit à Constantinople, où ils devaient servir dans les armées croisées pendant un certain nombre d’années ; en général deux ou trois ans, parfois cinq.
    En dispersant ainsi sur toutes les routes d’Europe et dans les armées d’outre-mer des milliers et des milliers de croyants, les inquisiteurs se débarrassaient d’un certain nombre d’adversaires possibles ; il est facile de voir le préjudice qui pouvait en résulter pour un pays déjà suffisamment appauvri et désorganisé. Encore ces pèlerins forcés devaient-ils s’estimer heureux d’en être quitte à si bon compte. Et cependant, ce genre de pénitences était imposé à des personnes coupables, par exemple, d’avoir adressé la parole à quelques hérétiques au cours d’un voyage en bateau, ou d’avoir, à l’âge de onze

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