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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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d’autre part, ils faisaient des donations importantes à des églises et des abbayes. Cette façon d’agir semble dictée plutôt par des questions d’intérêts locaux et de relations personnelles que par une politique bien définie. Mais ce que l’apparition du catharisme (et plus tard du valdisme) avait provoqué ou plutôt révélé dans le Languedoc, c’était une haine profonde et active de l’Église catholique, haine qui trouvait un écho dans toutes les couches de la population.
    Il serait faux de croire que la propagande des parfaits ait provoqué cette haine, qui devait être déjà assez forte puisque les attaques les plus violentes contre l’Église ont pu être favorablement accueillies par un grand nombre de catholiques. Bien plus, on a pu voir dans le caractère anticlérical de la prédication des cathares une des grandes raisons de leur succès, et cette explication (qui constitue en elle-même le plus terrible jugement qu’on puisse porter contre l’Église,) a été proposée par certains historiens catholiques, donc nullement suspects d’anticléricalisme. Mais si l’Église était, dans le Languedoc, impopulaire et incapable de remplir sa tâche, il faut dire que la propagande de ses adversaires fournissait parfois des armes aux passions les plus basses et provoquait des désordres et des scandales.
    Telles confiscations de terres d’Église par de grands ou petits seigneurs pouvaient, somme toute, n’être qu’une réaction légitime contre les trop vastes appétits de certains prélats. Mais pour les pauvres gens qui poussaient un soupir de soulagement à l’idée de ne plus payer la dîme et les multiples redevances exigées pour les sacrements, l’abandon de l’ancienne foi ne pouvait être une question de sous ; ceux qui se détournaient d’une Église en laquelle ils avaient cru, même vaguement et de mauvaise grâce, étaient poussés par une propagande souvent indiscrète à des actes odieux que les parfaits n’eussent sans doute pas approuvés, mais dont ils portent en partie la responsabilité. La foi nouvelle, après avoir pris racine dans le pays, y avait suscité un véritable fanatisme, qui n’était sans doute pas le fait de la majorité des croyants (puisqu’en général catholiques et hérétiques s’entendaient fort bien entre eux), mais qui ne saurait pas non plus être attribué aux seuls bandits des grands chemins.
    Pierre des Vaux de Cernay cite le cas d’un nommé Hugues Faure, qui profana de la façon la plus grossière l’autel d’une église, le cas d’hérétiques de Béziers attaquant un prêtre et lui arrachant le calice pour le souiller 32   ; les registres de l’Inquisition rapportent le cas d’un B. de Quiders urinant sur la tonsure d’un prêtre 33  ; de tels faits devaient être rares, car les adversaires des hérétiques auraient eu intérêt à les signaler et n’en citent en fait que très peu. Mais le même Pierre des Vaux de Cernay nous raconte comment le comte de Foix, en litige avec les moines de Saint-Antonin, seigneurs de la ville de Pamiers, y envoie deux de ses chevaliers pour venger l’affront fait à une noble parfaite expulsée de la ville par les moines ; ces chevaliers coupent un chanoine en morceaux, arrachant les yeux à un autre ; après quoi, le comte lui-même fait irruption dans le monastère, fait la fête dans les locaux du couvent et y met le feu. Il en fait autant dans les locaux du couvent de Sainte-Marie après avoir assiégé les moines et les avoir réduits à se rendre par la faim et pillé l’église. Dans une autre église, il fait arracher bras et jambes à un crucifix et ses soldats s’en servent pour piler des épices ; un de ses écuyers perce un crucifix de coups de lance en lui criant de se racheter 34 .
    S’agit-il seulement de calomnies ? C’est possible, mais si le catholique Raymond VI a pu être accusé d’avoir brûlé une église avec les personnes qui s’y trouvaient, de la part du comte de Foix de telles violences n’ont pas de quoi surprendre ; dans ce cas, une telle conduite montre moins de brutalité que de véritable passion anticléricale ; de tels actes sont inspirés par la haine la plus vive de l’Église catholique. Et si, plus tard, Raymond-Roger de Foix protestera devant le pape de son orthodoxie, il ne le fera sans doute que pour obéir à un mot d’ordre des siens ; cet infatigable lutteur, cet ennemi redoutable des croisés devait être le

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