Le bûcher de Montségur
l’Église ne faisait pas de doute, mais dont les efforts dans la lutte contre l’hérésie restaient tout platoniques, sur quel appui l’Église pouvait-elle compter dans les provinces occitanes ?
Une partie de la noblesse devait être catholique : le légat Pierre de Castelnau avait réussi à former une ligue de barons destinée à combattre l’hérésie ; il faut croire pourtant que ces barons n’agissaient ainsi que pour déplaire au comte de Toulouse, car on ne les verra pas prendre la croix. Les croisés du Midi venaient surtout de Provence, terre peu touchée par l’hérésie, ou du Quercy et d’Auvergne. Les évêques de Cahors et d’Agen réussiront à grouper quelques corps armés de pèlerins qui participeront à la croisade. Mais il semble que dans toute la région comprise entre Montpellier, les Pyrénées, jusqu’au Comminges au Sud et Agen au Nord, l’Église n’ait eu que des partisans isolés, et en tout cas peu actifs, plus conscients de leur solidarité envers leurs concitoyens hérétiques que de leurs obligations envers l’Église – du moins quand ces obligations allaient jusqu’à expulser et persécuter les hérétiques. D’ailleurs, ces derniers étaient assez forts pour se défendre. Le comte, l’eût-il voulu, ne possédait pas le pouvoir de provoquer une guerre civile.
L’Église, malgré la vigueur combative de ses éléments sains, malgré le fanatisme de certains de ses chefs, malgré les efforts de persuasion et d’intimidation tentés par le pape et malgré la puissance administrative et financière qu’elle possédait encore dans le pays, se voyait incapable de freiner les progrès de la religion nouvelle qui commençait à paralyser toute volonté de résistance chez la population restée catholique. Le pape et les légats ne voyaient plus d’autre moyen de lutter que la force armée. C’est à ce moment que le meurtre de Pierre de Castelnau donna le signal de la levée de boucliers. L’Église abandonnait sa tâche à la force du glaive.
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40 Ép. CCCLXV.
41 Ép. CCXLI, Migne, P .L., t. 182, col. 434.
42 Cf. l’appendice IV.
43 B. Jordanis de Saxonia, Opéra , Fribourg, 1891.
44 Guillaume de Puylaurens, ch. X.
45 Jourdain de Saxe, Op. cit. , p. 549.
46 Guillaume de Puylaurens, ch. IX.
47 Guillaume de Puylaurens, ch. VIII.
48 Balme et Lelaidier. Cartulaire de saint Dominique , t. I, pp. 186-188.
49 Humbert de Romans, L’Enquête de Toulouse pour la canonisation de saint Dominique , ch. XIII.
50 Dante, Paradis , chant IX.
CHAPITRE VII
LE ROI DE FRANCE
I – VICTOIRE DE RAYMOND VII
La mort de Simon de Montfort fut accueillie dans le Languedoc avec des transports de joie ; cette joie, faisant tache d’huile, se répandait dans le pays, redonnant des forces nouvelles à ceux qui depuis si longtemps se désespéraient de voir cet homme impitoyable triompher partout. Cette mort semblait être la fin d’un long cauchemar, le miracle tant attendu.
Montfort
Es mort
Es mort
Es mort !
Viva Tolosa
Ciotat gloriosa
Et poderosa !
Tornan lo paratge et l’onor !
Montfort
Es mort !
Es mort !
Es mort !
clame une chanson populaire du temps. Le Parage et l’honneur reviennent. Le tyran – car les peuples du Midi veulent espérer que tout le mal dont ils étaient accablés venait de Montfort – n’est plus qu’un cadavre couché dans un somptueux caveau de Carcassonne. Ses amis en font un martyr et le comparent à Judas Macchabée et à saint Étienne ; par sa mort l’œuvre de la croisade est ruinée, il a beau avoir laissé dans le pays des parents et des compagnons d’armes courageux et encore redoutables, en perdant leur chef, ils ont perdu leur confiance en eux-mêmes.
Amaury de Montfort appelle à son aide le roi de France et le pape prêche une nouvelle croisade et presse Philippe Auguste d’envoyer une armée dans le Languedoc. Pendant ce temps, Raymond VII reconquiert l’Agenais et le Rouergue et remporte, devant Baziège, une victoire en rase campagne sur les troupes françaises.
Le prince Louis fait une seconde fois son apparition dans le Midi de la France : cette fois-ci, son père n’a pas fait de difficultés pour le laisser se croiser. Il amène 20 évêques, 30 comtes, 600 chevaliers et 10 000 archers, armée redoutable qui eût dû, semble-t-il, effrayer des populations déjà épuisées par dix ans de guerre. Il fait sa jonction avec les troupes d’Amaury de Montfort devant Marmande et
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