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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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le nouvel évêque de Toulouse et Navarre, nouvel évêque de Couserans. Les vaudois sont aussi nombreux à Pamiers que les cathares, les deux sectes délèguent leurs orateurs ; la sœur du comte, Esclarmonde, parfaite elle-même et grande protectrice des hérétiques, prend part aux débats. Ici, la mission catholique a plus de succès qu’ailleurs, puisque le vaudois Durand de Huesca fait pénitence avec un certain nombre de ses amis. Mais, en général, le succès est plus que médiocre.
    La mission se disloque. L’évêque d’Osma retourne en Espagne, le légat Raoul part également, Arnaud-Amaury est rappelé en France par les affaires de son ordre, Pierre de Castelnau (d’ailleurs très impopulaire dans le pays) est trop occupé par ses démêlés avec les féodaux pour se consacrer à la prédication. Dominique seul poursuit inlassablement sa tâche, prêchant sur les routes et dans les villages, été comme hiver, ne vivant que de pain et d’eau, dormant sur la terre nue, émerveillant le peuple par son endurance et par l’autorité enflammée de ses discours.
    Quand on songe qu’il a commencé sa prédication en 1205 et qu’en juin 1209 l’armée croisée envahissait le pays, on peut regretter que cet authentique apôtre de l’Église ait disposé d’aussi peu de temps pour mener à bien une œuvre qui eût pu donner des résultats durables. Et pourtant – un Dominicain du temps de saint Louis, Étienne de Salagnac, attribue au fondateur de son ordre des paroles cruelles qui semblent montrer que la patience chrétienne n’était pas du nombre des vertus de saint Dominique : « Depuis plusieurs années, aurait-il dit à la foule réunie à Prouille, je vous ai fait entendre des paroles de paix. J’ai prêché, j’ai supplié, j’ai pleuré. Mais, comme on dit vulgairement en Espagne : Là où ne vaut la bénédiction vaudra le bâton. Voici que nous exciterons contre vous les princes et les prélats ; et ceux-ci, hélas ! convoqueront nations et peuples, et un grand nombre périra par le glaive. Les tours seront détruites, les murailles renversées, et vous serez réduits en servitude. C’est ainsi que prévaudra la force, là où la douceur a échoué. » Or, que sont « plusieurs années » dans une œuvre d’évangélisation ? Saint Dominique semble abandonner la tâche avant de l’avoir commencée.
    Ce n’est pas de tels missionnaires que l’Église catholique avait besoin. Elle avait trop à se faire pardonner pour se permettre de menacer, si elle voulait reconquérir les cœurs des fidèles. Une parole comme celle que nous venons de citer risquait d’aliéner à jamais à saint Dominique la confiance de ceux que l’exemple de sa charité ou de son courage avait pu convertir. Les ministres cathares ne menaçaient pas de faire périr par le glaive ceux qui résistaient à leur prédication.
    Étant donné ce que nous savons de la forte personnalité de saint Dominique, de son énergie, de sa foi, de son abnégation totale à son œuvre, nous pourrions être, à priori, étonnés du petit nombre de conversions qu’il réussit à obtenir, et ceci dans un pays chrétien, où les vérités qu’il prêchait devaient tout de même être proches du cœur de ses auditeurs. Si bref qu’ait été son apostolat, il semble que son influence personnelle eût pu lui attirer un grand nombre de prosélytes, et on cite à peine quelques noms : les jeunes recluses de Fanjeaux, Pons Roger ; quelques femmes et enfants dont on ne sait rien. Il eût sans doute mieux réussi auprès des Coumans.
    Mais ce fait paradoxal s’explique par la situation équivoque où il se trouvait : représentant d’une Église toujours prête à brandir le « bâton », il ne pouvait que décourager la confiance, et il fallait un courage presque surhumain pour se convertir librement à une religion qui prétendait s’imposer par la contrainte : au moment même où saint Dominique s’exposait avec allégresse aux railleries et aux injures de ses adversaires, le pape continuait à écrire au roi de France pour l’engager à l’action armée contre l’hérésie, les légats usaient de tous leurs moyens de pression sur le comte pour le décider à persécuter les hérétiques, et l’Église, tout en acceptant les débats théologiques avec les ministres cathares, ne renonçait pas à une législation qui, si elle eût été mise en vigueur, eût envoyé ces mêmes ministres au bûcher et ruiné et

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