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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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beaucoup trop puissante et trop populaire, et que le triomphe de la cause nationale est aussi son triomphe.
    Selon certains historiens catholiques, les cathares avaient eu l’habileté de confondre leur cause avec celle de la nation ; il n’y fallait pas beaucoup d’habileté, et l’on se demande ce qu’ils eussent pu faire d’autre, à moins d’aller se livrer en masse aux croisés et de déclarer que leur religion méritait d’être détruite. Leur cause s’est confondue avec celle de la résistance, parce que le peuple avait choisi de les défendre au lieu de les exterminer. Il ne semble pas que la rancune populaire ait jamais fait payer à ces « bons hommes » le crime d’avoir attiré la guerre sur le pays ; du moins les documents connus ne nous apprennent-ils aucun fait de ce genre.
    Quinze ans durant le Languedoc s’épuisa dans une lutte à mort. Des deux côtés cruautés, trahisons, lâchetés, vengeances et injustices ne manquèrent pas ; pas un nom de parfait ne fut jamais, de près ou de loin, associé à de ces actes qui rendent horrible la guerre la plus légitime. Les pires ennemis des hérétiques ne leur ont reproche rien d’autre que leur refus de se convertir. On comprend que pour des populations en détresse ces hommes traqués, inébranlables et pacifiques, soient apparus comme les seuls pères et consolateurs, la seule force morale devant laquelle on pût s’incliner.
    En pleine croisade, les diacres cathares et les parfaits continuaient d’exercer leur ministère. Le diocèse de Toulouse eut même deux évêques : en 1215, alors que Gaucelm exerçait déjà cette fonction, Bernard de la Mothe fut élevé à la dignité épiscopale, sans doute parce que l’Église menacée avait besoin d’un plus grand nombre de pasteurs. Le diacre Guillaume Salomon tenait des assemblées clandestines à Toulouse alors que Montfort était maître de la ville ; le diacre Bofils prêchait en 1215 à Saint-Félix ; le diacre Mercier en 1210 voyait assister à ses sermons toute la noblesse du Mirepoix, etc. Cependant, c’est surtout à partir de 1220 que l’activité des ministres cathares devient plus intense, ou du moins plus facile à contrôler : les témoignages sur leurs réunions et les diverses étapes de leur ministère sont beaucoup plus nombreux. N’étant plus obligés de se cacher ils vont dans des maisons de croyants sans craindre de les compromettre, prêchent publiquement, ordonnent de nouveaux parfaits, consolent des mourants, président des repas liturgiques ; si leur activité était encore semi-clandestine, elle n’était plus secrète. De grands seigneurs recevaient le consolamentum à leur lit de mort, et de riches bourgeois léguaient, en mourant, des sommes importantes à leur Église.
    Dans les années de la reconquête du Languedoc par Raymond, on retrouve la trace d’une cinquantaine de diacres ; les diacres, inférieurs aux évêques et revêtus de pouvoirs dont la nature exacte est difficile à déterminer faute de données précises, étaient les chefs des communautés, et le nombre de cinquante diacres fait supposer l’existence de plusieurs centaines au moins d’hérétiques revêtus, hommes et femmes. Les grands bûchers de 1210-1211 en avaient fait périr environ six cents (encore n’est-ce pas certain : il a pu y avoir parmi ces brûlés des croyants qui s’étaient fait « consoler » à la dernière heure plutôt que d’abjurer, tel ce G. de Cadro «  brûlé (combustus) à Minerve par le comte de Montfort » 143 .) Mais l’Église cathare avait dû se relever assez rapidement de ce coup terrible, puisqu’elle a gardé son organisation et sa hiérarchie, et un nombre considérable de parfaits.
    Ce millier (à peine) d’apôtres ne pouvait être dangereux que par son ascendant sur les populations, et cet ascendant était énorme, si l’on en juge par le fait que dans un pays où ils étaient connus de tous l’Inquisition n’ait pu en venir à bout qu’après des dizaines d’années d’impitoyable terreur policière. Par la rigueur des mesures qui allaient être prises contre ceux qui les protégeaient, on peut voir à quel point le peuple leur était dévoué.
    Ils étaient partout. Nous avons vu qu’ils organisaient des réunions jusque dans Toulouse soumise à Montfort ; après la reconquête du pays par ses seigneurs légitimes – presque tous croyants eux-mêmes – rien ne pouvait plus freiner la diffusion de leur

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