Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
Vom Netzwerk:
d’Amaury de Montfort, c’est qu’il savait sans doute que sa femme ne lui donnerait plus d’héritier. L’Église ne voulait pas consentir à un divorce qui eût favorisé les visées dynastiques de Raymond. (Les mariages princiers, à l’époque, se faisaient et se défaisaient au gré des intérêts politiques, mais l’Église seule avait le pouvoir de les annuler et n’approuvait que les répudiations qui pouvaient servir sa cause, ou qui, du moins, ne la gênaient pas.)
    La petite princesse Jeanne était donc destinée d’avance à devenir l’instrument de la conquête royale. Son père, soucieux de se donner un gendre qui pût devenir un allié, l’avait promise au fils d’Hugues de Lusignan, comte de La Marche, le plus puissant seigneur du Poitou et adversaire déclaré du roi de France. Sous les instances et les menaces de Louis VIII, le comte de La Marche dut, en 1225, renvoyer à son père l’enfant déjà confiée à sa garde.
    Ce fut donc sur les bases d’une alliance matrimoniale que la régente conçut le traité de paix qu’elle fit proposer au comte par l’intermédiaire de l’abbé de Grandselve. C’est au deuxième fils de Blanche, Alphonse de Poitiers, que sera destinée la petite comtesse de Toulouse ; en 1229, les deux enfants ont neuf ans chacun.
    Pour rendre ce mariage possible, il faut une dispense du pape : Raymond VII est parent à la fois de Louis VIII (sa grand-mère paternelle, Constance, était la sœur de Louis VII) et de Blanche de Castille (sa mère, Jeanne d’Angleterre, était la sœur d’Éléonore, la mère de Blanche ; toutes deux étaient filles d’Éléonore d’Aquitaine). Cette parenté assez étroite, si elle constituait, en principe, un obstacle canonique au mariage, semblait être, à première vue, une garantie pour l’avenir : le règlement de la question du Languedoc prenait presque l’aspect d’une affaire de famille ; en sollicitant pour son fils la main de la princesse Jeanne, Blanche de Castille avait l’air de traiter Raymond en parent plutôt qu’en ennemi.
    Cependant, les conditions proposées par la reine et transmises à Raymond VII par les bons offices de l’abbé de Grandselve étaient exceptionnellement dures, si l’on songe qu’outre ce mariage forcé qui apportait le Languedoc en dot à la couronne de France, on demandait au comte des garanties et des indemnités qui mettaient d’ores et déjà la province sous la dépendance de la royauté.
    C’est à Baziège, vers la fin de l’année 1228, que Raymond rencontra Élie Guérin, abbé de Grandselve, qui lui transmit des propositions de paix ; en tout cas, un acte daté du 10 décembre et signé par le comte déclare accepter la médiation de l’abbé et promet de « ratifier tout ce qui sera fait par lui et avec lui en la présence de notre cher cousin Thibaut, comte de Champagne ». La lettre ajoute que la décision a été approuvée par les barons et les consuls de Toulouse. La personnalité dont le comte demandait la médiation et, en quelque sorte, l’arbitrage était, en effet, un parent à la fois de la reine et de Raymond VII, par sa grand-mère Marie de France, fille, elle aussi, d’Éléonore d’Aquitaine. Thibaut de Champagne, vassal plutôt récalcitrant de la couronne de France (bien qu’on le prétendit amoureux de la reine), était du nombre de ces grands féodaux qui hésitaient sans cesse entre l’obéissance au roi et des velléités d’indépendance. Cet homme versatile, mais brillant et cultivé, épris de courtoisie et de littérature, poète lui-même, était connu pour ses tendances libérales et même anticléricales. (On trouve dans ses chansons des vers qui flétrissent ouvertement la conduite de l’Église qui a « laissé les sermons pour guerroyer et tuer les gens ». « Notre chef (le pape) fait souffrir tous les membres 147   ! ») Ce comte avait donc toutes les raisons d’éprouver de la sympathie pour Raymond VII, et déjà, en 1226, il n’avait participé à la croisade qu’à contrecœur. Mais, sans doute à cause de cela même, il n’était pas très bien en cour auprès de Blanche de Castille. Dans tous les cas, sa médiation semble n’avoir servi strictement à rien, sinon peut-être à donner à Raymond VII de faux espoirs.
    Si Thibaut de Champagne n’obtint pas grand-chose, comme on va le voir, la reine devait cependant être très pressée de conclure la paix avec le comte, car déjà en janvier

Weitere Kostenlose Bücher