Le bûcher de Montségur
maîtres particulièrement vénérés.
À l’époque d’Innocent III, les Églises cathares étaient abondamment représentées en Italie, avaient un évêque à Sorano, un à Vicence, un à Brescia, et leurs fils majeurs gouvernaient les communautés d’autres villes ; Milan était un centre officiel de toutes les Églises hérétiques, et les magistrats de cette ville, hostiles au clergé, protégeaient ouvertement toutes les sectes et accordaient refuge dans leurs murs à tous les hérétiques chassés d’autres pays. Dans des villes comme Vérone, Viterbe, Florence, Ferrare, Prato, Orvieto, les cathares dominent, et les évêques sont impuissants à sévir contre eux ; à Faenza, Rimini, Côme, Parme, Crémone, Plaisance, ils ont des communautés florissantes ; une grande Église cathare est établie dans la petite ville de Desenzano. À Trévise, les hérétiques sont protégés par les pouvoirs publics, à Rome même, ils ont des écoles où ils enseignent les Évangiles.
Les cathares d’Italie jouissaient au début du siècle d’une telle sécurité qu’ils pouvaient se permettre des divergences théologiques et des scissions au sein de leurs Églises : ainsi les évêques de Sorano et de Vicence suivaient-ils l’école de Trugurium ou d’Albanie, et celui de Brescia embrassait la doctrine des cathares de Bulgarie (les premiers affirmant que le principe du mal était éternel, les seconds que le Dieu bon avait été seul à l’origine). Les deux sectes se livraient, entre elles, à d’ardentes polémiques théologiques ; et, vers 1226, la première se scinda elle-même en deux fractions, l’une étant représentée par l’évêque Belismansa et l’autre par son fils majeur Jean de Lugio.
Innocent III, épouvanté par les progrès rapides des hérésies dans la péninsule, commença par des menaces d’ordre administratif, telles que l’interdiction aux hérétiques des fonctions publiques ; mais ces ordres ne furent pas souvent exécutés. L’excommunication, elle aussi, restait sans effet. L’action directe des émissaires du pape n’était guère plus heureuse : à Orvieto, le gouverneur Pierre Parentio, envoyé par le pape, est mis à mort par les citoyens hérétiques exaspérés par ses violences. À Viterbe, des hérétiques sont promus au rang de consuls malgré les menaces du pape, et ce dernier doit, en 1207, venir en personne dans la ville pour faire confisquer les biens et démolir les maisons des principaux membres de la secte. Après 1215, quand le concile de Latran eut confirmé et érigé en lois immuables toutes les mesures pratiquées par l’Église et l’État contre les hérétiques, la persécution devint plus serrée, à peine plus efficace ; et ceci, malgré l’appui que l’empereur Frédéric II accordait à cette politique d’oppression. À Brescia, en 1225, catholiques et hérétiques en viennent aux armes, les premiers sont vaincus et les hérétiques incendient les églises et lancent des anathèmes contre Rome ; et, malgré les menaces d’Honorius III, les cathares restent puissants dans la ville. À Milan, en 1228, les mesures les plus sévères sont décrétées par les évêques et jurées par les notables : expulsion des hérétiques, démolition de maisons, confiscation de biens, amendes, etc., mais ces mesures ne sont pas exécutées, et les plus riches bourgeois et notables donnent ouvertement asile aux cathares et créent pour eux des écoles et des maisons destinées au culte. À Florence, malgré l’arrestation et l’abjuration de l’évêque cathare Patemon, en 1226, la communauté reste puissante, et elle compte parmi ses fidèles bon nombre de prêtres, d’artisans, de gens du peuple, sans compter la noblesse. À Rome, les cathares sont si nombreux que leur influence reste grande dans cette ville malgré les menaces d’amendes, de pertes de droits, etc., et la création d’une milice de Jésus-Christ destinée à lutter contre l’hérésie.
Quand le pape eut recours à l’ordre des Frères prêcheurs qu’il chargea tout spécialement de combattre l’hérésie, plusieurs Dominicains doués d’une grande énergie et d’une éloquence remarquable, tels Pierre de Vérone, Moneta de Crémone, Jean de Vicence, parcoururent les villes lombardes, excitant les catholiques à la lutte, semant la terreur parmi les hérétiques et allant jusqu’à se mettre à la tête de troupes armées. Pierre de Vérone (cathare converti) fut
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