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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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fidèlement toutes les clauses.
    Romain de Saint-Ange, dont la carrière en France se terminait par un si brillant succès, ne devait pas quitter Toulouse ni le Languedoc avant d’avoir établi sur des bases solides la nouvelle politique de l’Église dans ce pays. Les engagements pris par le comte, les serments prêtés par ses vassaux ne devaient pas, cette fois-ci, subir le sort de tous les engagements ultérieurs maintes fois pris par les maîtres du Languedoc, et restés au stade de bonnes intentions jamais réalisées et prétendues irréalisables. Voulant battre le fer tant qu’il était chaud, l’énergique légat fit réunir à Toulouse un concile où assistaient tous les prélats du Midi, et ayant pour objets : 1° la fondation ou plutôt la rénovation complète de l’Université de Toulouse (le légat Conrad de Porto avait déjà, pendant la croisade, jeté les bases de cette Université catholique) ; 2° une organisation solide et efficace de la répression de l’hérésie.
    Il est curieux de lire la lettre circulaire rédigée lors de ce concile par les maîtres de théologie de la nouvelle Université et destinée à être envoyée dans les grands centres scolaires de l’Occident afin d’attirer à Toulouse de nouveaux étudiants. Romain de Saint-Ange avait amené avec lui les professeurs de théologie et de philosophie de Paris qui avaient quitté l’Université à la suite de la querelle qui avait opposé les écoles et le chapitre de Notre-Dame. La nouvelle Université ne manquait pas de fonds, le comte devant payer chaque année quatre mille marcs d’argent pour son entretien. À lire la lettre de propagande rédigée par les nouveaux professeurs, on pourrait imaginer que le pays où ils cherchent à attirer les étudiants est un havre de paix au milieu des troubles et des guerres qui sévissent dans toute l’Europe ; les gens du pays sont doux et accueillants, la vie n’est pas chère, les logements nombreux, le climat agréable, etc. Enfin, là « où s’étaient développées comme une forêt les broussailles épineuses de l’hérésie », la nouvelle Université allait « exalter jusqu’aux cieux le cèdre de la foi catholique ». Elle devait remplacer par les luttes pacifiques de la controverse les massacres de la guerre 151 . Bref, la réconciliation à l’Église du comte de Toulouse a apporté à son pays la paix, la victoire de la foi, et des promesses de prospérité et de bien-être.
    Tel devait être, en effet, le désir non seulement des éléments catholiques du pays, mais aussi du comte lui-même et du peuple las de la guerre ; une paix, même forcée, même cruelle, pouvait permettre au Languedoc de respirer, les paysans pourraient semer le blé sans craindre de voir leurs champs saccagés chaque année.
    En vingt ans, Toulouse avait vu entrer dans ses murs en maîtres Simon de Montfort et le prince Louis, Foulques et les légats ; elle pouvait espérer que le règne des nouveaux maîtres ne serait pas plus durable que celui des précédents. Le comte conservait une partie de ses pouvoirs et le légat allait bientôt rentrer à Rome.
    Romain de Saint-Ange ne croyait évidemment pas avoir aboli l’hérésie d’un trait de plume, ni en être déjà au stade des « luttes pacifiques de la controverse », bien au contraire : jamais plus aucune controverse n’opposera dans ce pays l’hérésie à la vérité catholique ; ce ne sera pas en chaire de théologie (ni dans aucun autre lieu, sinon la prison) que les hérétiques pourront produire leurs arguments pour être réfutés, et ces luttes pacifiques se réduiront à des monologues. Fort des termes du traité de Paris, le légat dresse une liste de règlements qui, s’ils ne sont pas, pour la plupart, une innovation en matière de législation ecclésiastique, seront pour la première fois appliqués de façon systématique et permanente.
    La répression de l’hérésie entre dans le cadre des lois communes, obligatoires pour tous au même titre que le droit civil et criminel, et même plus strictes puisqu’elles doivent concerner tous les habitants du pays sans la moindre exception ; et que, d’après ces règlements nouveaux, une fillette de douze ans qui, par suite d’une maladie ou d’une absence prolongée, aurait négligé de prêter serment de combattre l’hérésie (ou même n’aurait pas pu pour une raison quelconque se confesser à Pâques) pouvait devenir suspecte d’hérésie et

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