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Le bûcher de Montségur

Le bûcher de Montségur

Titel: Le bûcher de Montségur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Zoé Oldenbourg
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ils sont nuls.
    Il est interdit à tout seigneur, baron, chevalier, châtelain, etc., de confier à un hérétique ou à un croyant l’administration de ses terres.
    Sera « diffamé » celui qui sera dénoncé par l’opinion publique et dont la mauvaise réputation serait constatée par l’évêque ou par des personnes dignes de foi 152 .
    Ces décrets, comme on le voit, exigeaient pour être appliqués un personnel nombreux chargé d’en surveiller l’exécution. Sans doute chaque prêtre pouvait-il dresser la liste de ses paroissiens et même signaler ceux qui se seraient abstenus de prêter serment ou de communier, et les déclarer suspects d’hérésie. Il était déjà difficile de les faire tous traduire en jugement pour peu qu’ils fussent nombreux. La crainte de s’attirer des ennuis pouvait pousser beaucoup de fidèles à se conformer aux règlements ; mais encore fallait-il que cette crainte, fut justifiée, à la longue, par la puissance effective de l’Église.
    Il n’était peut-être pas difficile de trouver dans chaque paroisse deux ou trois laïques désireux de rechercher les hérétiques, mais encore fallait-il que ces deux ou trois personnes fussent soutenues par la majorité des habitants du lieu, sinon il leur serait difficile de s’emparer des hérétiques découverts.
    L’intérêt pouvait pousser les seigneurs à confisquer les terres des personnes qui abriteraient les hérétiques ; la peur de perdre leurs biens ou leurs places et de voir leurs maisons démolies pouvait forcer les gens à refuser aux hérétiques le droit d’asile. Mais encore fallait-il qu’il existât une autorité assez forte pour se charger de cette chasse aux hérétiques, pour démolir les maisons et confisquer les terres. Outre les désordres inévitables qu’un tel système de répression risquait de provoquer dans le pays, il était difficile de compter, pour l’exécution de ces mesures, sur le comte et ses vassaux, et même sur les fonctionnaires du roi, déjà assez pris par leurs autres obligations. Les évêques possédaient des milices armées ; mais pour capturer les hérétiques il fallait d’abord les trouver, et ils étaient habiles à dépister les recherches. Et parmi les gens « diffamés » se trouvait un grand nombre de puissants seigneurs auxquels il n’était pas facile de s’attaquer, et qui du reste avaient prêté serment pour prouver leur orthodoxie.
    Romain de Saint-Ange ne se contenta pas de faire promulguer les décrets : il voulut, avant son départ de Toulouse, frapper l’opinion par un procès éclatant, susceptible d’intimider ceux qui croiraient ses règlements inapplicables. Or, il avait sous la main deux hérétiques récemment découverts et arrêtés par les hommes du comte de Toulouse (qui, pour inspirer confiance au légat, avait tenu à lui donner cette preuve de bonne volonté). Ces deux hommes étaient des parfaits ; l’un, Guillaume, est même mentionné par Albéric des Trois Fontaines 153 sous le titre de « pape » ( apostolicus ) des Albigeois ; peut-être s’agissait-il d’un évêque du diocèse d’Albi, en tout cas d’un vieillard particulièrement vénéré que, pour donner plus d’éclat à leur capture, ses adversaires auraient paré du titre de pape. L’autre parfait, prénommé également Guillaume – de Solier – était aussi un hérétique de marque, bien connu dans le diocèse de Toulouse.
    Le prétendu pape des Albigeois marche au supplice avec la fermeté qui était de règle chez les ministres cathares, et fut solennellement brûlé à Toulouse devant le cardinal-légat. Mais Guillaume de Solier se convertit au catholicisme et devint ainsi le plus précieux auxiliaire de l’Église. Le concile le réhabilita, afin de pouvoir légalement recueillir ses témoignages. Cet homme dénonça un grand nombre de personnes qu’il savait appartenir à l’Église cathare. Il était bien placé pour les connaître, pour révéler leurs cachettes et leurs lieux de réunion. Il ne semble pourtant pas qu’il ait dénoncé ou fait découvrir beaucoup de parfaits, car les personnes citées sur ses dénonciations étaient de simples croyants.
    L’évêque de Toulouse fit ensuite convoquer un certain nombre de personnes dont l’orthodoxie était reconnue et en obtint des témoignages contre ceux des hérétiques qu’elles connaissaient ; ce qui, avec les dépositions de Guillaume de Solier, forma une liste impressionnante de

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