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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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reine… Enfin, on joue gros jeu à Versailles…
    Il se sentait rouge de confusion. Le roi crispé leva la main.
    — J'achèverai, Ranreuil. La reine a des dettes. Je les paierai. Ne vous troublez point. Poursuivez.
    — Votre Majesté me facilite la confidence. Profitant de l'indulgence de la reine, certains tentent de profiter des difficultés de sa cassette. Une intrigante, que je surveille et sur laquelle j'enquête, est sur le point de tomber dans nos rets. Dimanche, après la messe, je compte pouvoir annoncer au roi qu'elle est convaincue de lèse-majesté et à la disposition de la justice.
    Le roi se redressa, le teint animé.
    — Qu'on ne décide rien sans nous en aviser. Tout doit être fait pour environner de ténèbres des tentatives qui affectent le trône.
    Nicolas avait déjà entendu une sentence de ce genre jadis dans la bouche de Sartine. Cette grande éloquence ne cadrait pas avec les propos habituels du souverain. Celui-ci rangea avec précaution la flûte dans le tiroir, se leva, contourna le bureau.
    — Nous ne dirons rien à la reine de cette conversation.
    Il se mit à rire.
    — Et maintenant je vais aller appliquer votre recette. Le tout est de trouver la liqueur ad hoc. Thierry, j'y pense, y pourvoira.
    Quand Nicolas redescendit, la foule s'était dispersée. On nettoyait les vestiges de la curée. Il sortit dans la nuit froide. Ainsi le roi était informé des infortunes de la reine, mais sa connaissance poussait jusqu'à quels détails ? Il mesura l'abîme où il aurait pu tomber sans sa sincère ouverture. Soudain il songea à Balbastre, trouble intermédiaire auprès de Mme Adélaïde. Pourquoi d'ailleurs la princesse, qui détestait la reine, avait-elle souhaité lui faire ce présent ? Comment l'en avait-on convaincue ? Le passé de Balbastre ne plaidait pas en sa faveur, non plus que ses relations avec le duc d'Aiguillon dont la haine à l'égard de Marie-Antoinette ne se démentait pas.
    Le gravier craqua derrière lui et une voix trop connue le fit sursauter.
    — Le bon Breton rêverait-il à la lune ? demanda un Sartine sarcastique.
    — Monseigneur.
    — Que souhaitait donc vous confier le roi ?
    — Je crains que lui seul puisse m'autoriser à le révéler.
    — Nicolas, je trouve malséant que vous jouiez ce jeu-là avec moi ! Je ne l'oublierai pas. Libre à vous de garder vos secrets, mais un conseil, ne traversez pas ceux des autres.
    — J'ignore, monseigneur, à quoi cette mise en garde fait allusion. Elle tient pour rien ma fidélité.
    — Vous ne le savez que trop. Les sentiments ne sont plus de mise.
    Là-dessus, comme s'il en avait trop dit et qu'il eût craint de s'emporter, le ministre de la marine lui tourna le dos et disparut dans l'ombre. Nicolas ressentait avec tristesse l'hostilité de Sartine. Ce n'était pas la première fois que leurs chemins divergeaient. Tous deux servaient le roi, mais le ministre voyait toujours en Nicolas le provincial emprunté qu'il avait jadis pris sous son aile. Qu'il eût un rôle, une influence, d'autres loyautés en surcroît de sa propre exclusive, il ne pouvait d'évidence le concevoir.
    La voiture le conduisit à l'hôtel d'Arranet. Tribord, jovial, l'accueillit. L'amiral n'était pas à bord, mais mademoiselle serait sans doute très heureuse de le voir. Cela fut dit avec un clignement d'yeux qui plissa la vieille face couturée de cicatrices. Nicolas rejoignit sa maîtresse et fut tendre à la mesure de sa mauvaise conscience. Un chaud-froid de volaille et une bouteille de vin de Champagne furent vite délaissés au profit de jeux et de ris plus ardents que jamais. Il surprit sa maîtresse par sa fougue à la mesure de ce qu'il savait devoir se faire pardonner.

    Vendredi 14 février 1777
    Le départ de Nicolas n'éveilla point Aimée. Seul Tribord, déjà debout, tint à servir à Nicolas un café brûlant largement arrosé de rhum qu'il accompagna d'un reste de pâté en croûte en guise de déjeuner 138 . Ainsi lesté, le commissaire était en état d'affronter le froid revenu. Dehors il gelait à pierre fendre. Le cocher qui avait dormi dans une soupente au-dessus de l'écurie confondait son haleine fumante avec celle de son cheval.
    Un pâle soleil se leva alors qu'ils abordaient les hauteurs de Sèvres et Paris se profila au travers d'une grisaille argentée. Il décida de gagner aussitôt le Grand Châtelet, dans sa hâte de retrouver Bourdeau et d'apprendre les dernières nouvelles de

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