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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l'enquête. L'inspecteur lui manquait. Il lui semblait en être séparé depuis une éternité. Il pouvait toujours s'appuyer sur son bon sens, son expérience et sa capacité à résister, en soutenant ce qu'il estimait juste. Ce point fixe, immuable, lui était plus que jamais nécessaire. Il le trouva soucieux, tirant sur sa pipe de terre cuite, en conversation avec le père Marie. Son visage s'éclaira quand il aperçut Nicolas surgissant du grand escalier. Il l'entraîna aussitôt dans le bureau de permanence.
    — En vérité, dit Bourdeau, ton absence m'a paru fort longue.
    Nicolas fut heureux de la convergence de leurs sentiments.
    — Il y a du nouveau, dit Nicolas, sans pourtant que le ton employé distinguât la constatation ou l'interrogation.
    — Du bon et du mauvais. J'ai retrouvé Freluche.
    — Moi aussi, dit Nicolas gaiement, mais je l'ai à nouveau perdue ! Et la crosse de ton pistolet est fracassée, après m'avoir encore sauvé la vie ! Je vais te conter cela.
    Bourdeau le considérait avec un inquiétant sérieux.
    — Je crains que tu te méprennes sur mes paroles : je l'ai retrouvée, morte !
    — Morte ?
    — Plus précisément assassinée, d'une balle dans la tête. Le corps a été découvert par une patrouille, gisant dans les douves des Invalides, côté ville… jetée, sans doute profitant du brouillard. Samson, qui l'a examinée hier soir, estime qu'elle a été tuée aux premières heures de l'aube. Et sais-tu dans quoi elle était enveloppée… ?
    Il fixait Nicolas et hésitait à poursuivre.
    — Hélas ! Je ne le sais que trop bien. Dans mon vieux manteau.
    Il se sentait glacé et le souffle court. Atterré, il se taisait. Il tira à lui un escabeau et s'y laissa tomber, appuya ses coudes sur la table, la tête entre les mains. Pourquoi devait-il servir d'instrument aveugle au destin ? C'était presque comme s'il avait tenu l'arme. Pourquoi fallait-il que, pour la seconde fois, une femme approchée par lui subisse un sort aussi funeste ? Soudain il se leva.
    — Je la veux voir.
    — Elle est en bas, à la basse-geôle.
    Ils descendirent en silence. Le jour n'éclairait pas encore la triste cave. À la lueur des flambeaux, Nicolas aperçut sous une pauvre couverture une frêle silhouette comme écrasée ; elle semblait diminuée dans ce grand manteau d'homme. Le commissaire prit sur lui et souleva le tissu. Le visage livide était déjà presque gris. Un petit trou bien net déparait le front bombé. Les cheveux étaient souillés de boue. Il prit son mouchoir et entreprit de les nettoyer et d'essuyer le visage. Une phrase du feu roi regardant passer le cortège funèbre de la Pompadour lui revint en mémoire : «  Ce sont là les seuls devoirs que je puisse lui rendre.  » Il s'évertuait dans cette humble toilette, les dents serrées, retenant sa peine et tout à la pitié qui s'était emparée de lui. Il la contempla longuement, puis le policier avec un soupir reprit le dessus.
    — As-tu fouillé le manteau ?
    — Je t'attendais, c'est le tien après tout.
    Il sut gré à Bourdeau de cette confiance et de n'avoir posé aucune question. Il savait que les poches, l'avant-veille, étaient vides. Au fond de celle de droite, la couture était décousue et souvent des objets tombaient dans la doublure. Il tâta le bas du vêtement et sentit quelque chose. Il remonta le bas jusqu'à la poche et réussit à extraire deux pièces qui avaient glissé. Il les tendit à Bourdeau qui, clignant des yeux, les éleva à la lumière d'un flambeau. Pendant ce temps, Nicolas continua son examen ; il se pencha et, perplexe, considéra les revers du manteau sur lesquels il passa les doigts à plusieurs reprises, recueillant d'infimes particules qu'il déposa ensuite dans l'une des feuilles pliées de son carnet noir.
    — M'est avis qu'il s'agit de pièces d'or anglaises. C'est le profil du roi George.
    Nicolas s'approcha.
    — Tu as raison. Ce sont deux guinées. Avant que nous ne tirions les conséquences de cette étrange trouvaille, il me faut t'expliquer les raisons pour lesquelles…
    Il esquissa un geste presque tendre vers le corps allongé.
    — … tu l'as trouvée vêtue de mon manteau.
    Bourdeau, frappé par l'émotion de son ami, ne disait rien. À voix basse, Nicolas lui raconta lentement les étapes de sa recherche, sa découverte de Freluche, ruelle des Beaujolais, à la taverne de Maître Richard, et la soirée chez Semacgus. Il ne dissimula rien et

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