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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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excellait à…
    Le Roy s'animait, tout au feu de sa passion.
    — Exceller ? À merveille ! Il saisissait tout dans l'instant avec une intelligence ! Et les parties les plus délicates pour un apprenti ! Il entendait tout à demi-mot. La question des régulateurs et des montres, il en a saisi sur-le-champ les propriétés générales : comment parvenir à les construire tels qu'ils donnent la plus grande justesse, de quoi cela est dépendant ; de la nécessité de connaître comment les fluides résistent aux corps en mouvement ; de l'obstacle qu'ils opposent à la justesse ; comment rendre cette justesse la plus grande possible ; de l'étude sur les frottements de l'air ; comment déduire cette résistance qui résulte des corps qui se meuvent les uns sur les autres ; quels effets il en résulte pour les machines ; de la manière de réduire ces frottements à la moindre quantité possible ; les différentes propriétés des métaux ; les effets de la chaleur, comment elle tend à les dilater, et le froid à les condenser ; de l'obstacle qui en résulte pour la justesse des machines qui mesurent le temps ; des moyens de prévenir les écarts qu'ils occasionnent, de l'utilité de la physique pour ces différentes choses. Tout cela il le maîtrisait, je le répète, à merveille.
    — Votre art, monsieur, vous attire-t-il des envieux ?
    — À qui le dites-vous ! Les récompenses ne font pas la notoriété. Mon public est restreint, des hommes de science et des marins. Un excellent artiste horloger peut passer sa vie dans l'obscurité, tandis que d'impudents plagiaires, charlatans et autres misérables marchands, jouiront au contraire de la fortune et des encouragements dus au mérite. Croyez bien que le nom qu'on se fait dans le monde porte moins sur le mérite réel de votre ouvrage que sur la manière dont il est annoncé. Il est trop aisé d'en imposer au public qui croit le charlatan sur sa parole, vu l'impossibilité où il est de juger sur pièces par lui-même.
    — Cette diatribe, monsieur, s'adresse-t-elle à quelqu'un en particulier ?
    — Oui, monsieur, j'ai le front de l'affirmer, à mon voisin et concurrent M. Berthoud. Hélas ! je n'ai que trop d'amertume en dépit des reconnaissances prodiguées. À mes découvertes j'ai fait le sacrifice d'une grande partie de ma fortune. J'ai abandonné le soin de mes affaires pour aller sur les mers suivre, malgré une santé chancelante, la marche de mes montres. Tout est le fruit de mes veilles et ma seule récompense, celle qui compte pour moi, c'est la conviction intime d'avoir produit un ouvrage à jamais utile à ma patrie.
    — M. Berthoud en douterait-il ?
    — Ah ! monsieur. Le dire n'est rien. Je suis, vous le voyez bien, un homme paisible, et pourtant ce personnage me poursuit d'injures et de calomnies. Sans relâche il met en doute la sûreté et l'efficience de mes instruments, prétendant que mes montres sont dangereuses. Dangereuses ! Les employer à la mer serait exposer, sur des probabilités trop mal fondées, les richesses de l'État, la gloire du prince et la vie de ses navigateurs , pour le citer dans sa pompeuse acrimonie.
    — Mais, dit Bourdeau, ces secrets que vous enseignâtes à ce jeune Anglais, quel usage devait-il en faire ? Le voilà désormais, selon vos dires, reparti chez lui. Où cela nous mène-t-il et quel est l'intérêt de la couronne dans cette manœuvre ?
    — Bonne question ! dit Le Roy, en baissant la voix. Je vois que vous ne possédez pas l'entièreté du problème. Le débat demeure pendant entre les Anglais et nous. Dans chaque pays on s'évertue à fabriquer les chronomètres les plus exacts possibles, des garde-temps dont les variations tendent de plus en plus à l'infime. Reste à trouver le moyen de les fabriquer sur une vaste échelle pour que tous les vaisseaux d'une flotte entière en soient équipés. Secrètement M. Peilly devait repasser en Angleterre par Boulogne. La science et la pratique acquises dans mon atelier lui permettraient sans difficulté d'approcher M. John Harrison, mon concurrent anglais le plus avancé, un homme éminent que les lords de l'amirauté britannique harcèlent de leurs exigences successives. Mon disciple pouvait faire illusion, engager des recherches sur de fausses voies qui retarderaient les Anglais tout en prenant connaissance des progrès qu'eux-mêmes avaient accomplis !
    Nicolas, frappé de la clarté du dessein exposé, demeurait aussi

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