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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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teatro di puppi où des pantins animés par on ne sait quelle mystérieuse main échangent masques et costumes ! Beaucoup de faux-semblants, de la poudre aux yeux à foison, et toute cette mascarade sur fond de trompe-l'œil. Toutes ces figures de lanterne magique qui s'animent, projetées sur l'eau trouble d'un miroir qui renvoie au néant !
    — Quelle suite d'images saisissantes ! J'en frémis et j'entends déjà le tonnerre des enfers de cet opéra-là. Sans doute le résultat de cette thériaque potagère dont vous fîtes votre panacée ordinaire ces derniers jours ?
    — Moquez-vous ! Je n'en dirai guère plus. Réfléchissez à vos moyens. Modifiez votre point de vue. Avancez, reculez, baissez la tête, tournez le col, levez ou baissez les yeux.
    — C'est curieux, vous vous exprimez comme Semacgus qui m'a tympanisé toute une soirée avec ses anamorphoses et ses changements de perspectives.
    Noblecourt se dressa sur sa couche et pointa l'index sur Nicolas.
    — C'est cela ! Cela même. Croire ce que l'on voit alors que tout est disposé de manière à égarer vos sens.
    Il considéra Nicolas qui tremblait.
    — Si vous m'en croyez, vous iriez vous jeter au fond de votre couche, vous voilà morfondu comme un cheval refroidi d'avoir trop couru.

    Nicolas remonta dans ses appartements non sans avoir demandé à Catherine une rasade de son cordial alsacien. Il en avala d'un trait une forte lampée. Avant de se déshabiller, il examina de plus près le manteau bleu saisi chez Emmanuel de Rivoux. Sa surprise fut grande, en tâtant l'ourlet du bas, de découvrir que la doublure contenait une pièce de monnaie qu'il s'évertua à récupérer. C'était une guinée anglaise. Il y avait là un nouveau mystère, et redoublé du fait que déjà le manteau qui couvrait la pauvre Freluche… Était-ce une coïncidence ? La chose avait-elle été répétée sciemment ? Qu'en dire pour le moment ? Il ne s'attarda pas à de vaines suppositions, constatant seulement que la main anglaise apparaissait une nouvelle fois au centre de ses investigations et que la trouvaille pesait lourd avec d'autres pour accroître les présomptions à l'encontre du lieutenant de vaisseau.
    Au fond de son lit il finit par se réchauffer, mais ne put empêcher son esprit de battre la campagne. Il étudia par le menu l'ensemble des événements ; des images de vie interrompaient parfois sa réflexion imposant de cruelles visions ; des manteaux bleus défilaient se mêlant aux bottes et aux souliers, aux aperçus de la basse-geôle ou des douves des Invalides. Il essayait en vain d'ordonner tout ce fatras. Les ombres à deux faces le submergeaient de leurs fallacieuses apparences. Une étrange déraison l'envahissait qui empêchait le tri des innocents et des coupables. Était-ce la crainte d'y perdre l'État et d'y compromettre la justice ? Qui l'autorisait à oser scruter le fond obscur du puits ? L'interrogation l'obsède, il s'y fond tout entier, la conscience perdue. Soudain la pensée de Freluche l'étreint, un sanglot monte qu'il ne peut maîtriser. À l'image de la victime vient s'ajouter celle d'Antoinette. Quel est son rôle auprès des Anglais ? Les deux visages confondus dans la tristesse et l'angoisse l'emportent dans l'oubli du sommeil. Mouchette, allongée sur la poitrine de son maître, lui souffle dans le nez et, petit sphinx aux yeux ouverts, veille sur son repos agité.

    Samedi 15 février 1777
    À l'aube, Nicolas quitta la rue Montmartre. La veille il avait donné ses instructions à Bourdeau de faire surveiller étroitement Deplat et la maison Le Roy. Rivoux, placé au secret dans une cellule de la vieille forteresse, serait sans doute recherché par Sartine qui devinerait d'où venait le coup. Inquiet de savoir où il était retenu et connaissant son Le Floch par cœur, il n'imaginerait jamais que le lieutenant de vaisseau pouvait, tout simplement, être détenu au Grand Châtelet. Quelques indiscrétions bien ménagées par les mouches orienteraient les recherches du ministre vers une maison de campagne située dans le vague du hors les murs. Le commissaire courut tout d'abord au Pont-au-change pour une longue conférence avec un joaillier à qui il voulait soumettre les vestiges de limaille prélevés sur le manteau bleu et sur celui qui couvrait Freluche. Il rencontra ensuite, rue de Harlay, Ferdinand Berthoud, le rival de Le Roy dans la fabrication des horloges à longitude. L'homme manifesta de

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