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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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battait le trône comme une marée de boue. Nicolas connaissait bien les souffrances des Français, mais aussi leur ferveur. Qu'auraient-ils pensé par les rues et dans les campagnes au su de ce qui menaçait leur roi, toutes ces menées rampantes semblables à ces reptiles ignobles qu'écrase le pied d'airain des statues ?
    Dans la gloire éclatante du sanctuaire, c'était de cet homme, clignant des yeux et se dandinant d'un pied sur l'autre, avec ses imperfections et ses faiblesses, son indécision parfois, mais aussi, il en avait été le témoin, sa volonté toute simple de soulager le corps meurtri de son peuple, que tout dépendait. Un sentiment d'injustice le saisit, mais cette angoisse armait son bras et renforçait sa volonté de se dévouer pour le salut du roi. Que celui-ci comptât sur lui l'emplissait d'un juste orgueil et effaçait tout ce que la vie lui avait réservé d'amertume.
    Qu'allait-il advenir ? Les preuves étaient là, et les décisions nécessaires s'imposaient, dussent-elles, comme tout ce qui approchait le trône, être dûment validées. Qu'importait maintenant que Loiseau de Béranger allât donner, tête baissée, dans le piège tendu, oubliant toute prudence et les avertissements prodigués ? Nicolas devait rendre compte au roi à l'issue d'un conseil sur le motif duquel il s'interrogeait encore.
    La famille royale s'était retirée et le flot des courtisans quittait la chapelle. Il s'empressa de gagner l'antichambre de l'Œil de Bœuf où Thierry l'entraîna dans l'enfilade des appartements, cabinet du conseil, chambre du roi où La Borde et lui avaient recueilli le dernier soupir de Louis XV, salon de la pendule… Deux autres pièces se succédèrent pour accéder enfin à la bibliothèque du roi. Une assemblée silencieuse les attendait. Lunettes sur le nez, le roi assis au fond de la pièce feuilletait un gros ouvrage que Nicolas, qui avait la vue perçante, reconnut être Le voyage autour du monde de M. de Bougainville. Autour et devant lui Sartine, Maurepas, Vergennes, Amelot de Chaillou et Mercy-Argenteau attendaient debout. Il y avait gros à parier, songea Nicolas, dont la fidélité au roi n'excluait pas d'impertinents jugements sur ses petits travers, qu'il n'aborderait pas ex abrupto le sujet pour lequel il les avait réunis.
    — Ah ! dit Louis XVI, jetant sur lui un regard bienveillant, le petit Ranreuil est là. Savez-vous, messieurs, que lors du voyage de La Boudeuse et de La Flûte , le séjour prolongé de nos marins à Batavia a fait plus de ravages parmi eux en maladies que le voyage tout entier ! Cela non seulement, mais…
    Ce fut curieusement Thierry qui rompit la chaîne des voyages exotiques. Il parla au roi à mi-voix, mais chacun l'entendit. Nicolas releva la scène qui confirmait la rumeur de la faveur grandissante du premier valet de chambre.
    — Sire, M. de Ranreuil détient des nouvelles qu'il convient que Votre Majesté entende au plus vite.
    — Soit, dit le roi, refermant le volume d'un geste brusque avec la mimique de quelqu'un qu'on force à s'intéresser à autre chose. Ranreuil ?
    Nicolas jeta un œil éloquent sur l'ambassadeur d'Autriche. Vergennes comprit aussitôt sa réticence.
    — Avec votre permission Sire. Vous pouvez, Ranreuil, parler devant le comte de Mercy. Son dévouement à l'égard de la reine égale le vôtre.
    Il prit le parti de raconter simplement la suite des événements. Il possédait l'art du récit, mais le délicat de celui-ci tenait à ne pas évoquer les confidences de la reine, ce qui aurait eu pour conséquence de mettre en lumière les contradictions de son attitude au sujet de Mme Cahuet de Villers. Il effleura donc les raisons pour lesquelles la dame avait réussi à approcher la souveraine, mais démontra sans concession à l'indulgence les domaines où l' escroqueuse avait porté ses griffes. Il rappela le passé de la dame, sa folie de faire accroire sa faveur à la cour où rien ne l'appelait, ni sa naissance ni aucun emploi. Il décrivit son entrée dans les bonnes grâces de M. de Saint-Charles, intendant des finances de la reine, par lequel elle s'était procuré des brevets et des ordonnances signées de Sa Majesté, pour mieux s'appliquer ensuite à en contrefaire la signature. Qu'armée de la sorte, elle avait forgé à toutes fins utiles billets et lettres dans le style le plus familier et le plus tendre. Qu'elle se faisait ainsi commander des objets de fantaisie, donnant à lire aux

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