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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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marchands des écrits qui les persuadaient qu'elle était en faveur auprès de la souveraine.
    Sous le regard sévère du roi, il poursuivit un moment, approchant la vérité sans la dévoiler jamais, toujours soucieux de ne point dessiner le caractère double de la reine. Enfin, il en vint à l'épisode du jour, qu'il conta plaisamment sans entrer dans le détail de ce que savait Marie-Antoinette, suggérant que ses mouvements d'approbation que, peut-être, le roi avait notés, tenaient à l'habitude des plus gracieuses de salut à la foule dont elle était coutumière. Derrière le roi, Thierry écoutait attentivement le récit, approuvant des yeux la prudence du conteur.
    — Quel fidèle serviteur vous êtes ! murmura Mercy à l'oreille de Nicolas, l'impératrice-reine saura votre dévouement.
    Il comprit que l'ambassadeur était tout aussi bien informé qu'il l'était lui-même. Le roi baissait la tête, accablé.
    — Voilà une bien méchante personne ! jeta-t-il sur un ton presque enfantin. Qu'en dites-vous monsieur l'ambassadeur ?
    — Je me permets de dire et j'affirme, Sire, que toutes les menées de cette femme et ses intrigues auprès de tant de gens imposent que le jugement de cette criminelle soit glorieusement prononcé par les tribunaux ordinaires.
    Un long silence accueillit cette éclatante déclaration. Le roi semblait hésiter, il interrogea M. de Maurepas qui faisait des ronds sur le tapis avec le bout de sa canne.
    — Sire, après le récit si clair et inventorié de Ranreuil, je m'interroge. Oui, en vérité, cette femme est coupable et mérite un châtiment exemplaire. Elle a usé du nom, de l'écriture et de la signature de la reine. On n'y peut croire et, d'après les lois de ce pays-ci, pour une seule de ces raisons, elle mériterait la potence et…
    — Et ? dit le roi.
    — Et pourtant, reprit le vieux ministre avec son hochement de tête inimitable, je ne le conseillerais pas. Au fait, qu'y gagnerions-nous ? Une défroque hideuse dansant au gré du vent ? Une exécution où la dame réussirait sans doute à enflammer la populace déjà si fiévreuse et prompte à se partialiser  ? Nous sortons à peine d'épreuves difficiles. Le corps du peuple est long à se calmer. C'est celui d'un fauve. Ne le réveillons pas. Ne serait-ce pas une insigne imprudence de jeter le nom de la reine et sa réputation en pâture aux libellistes et pamphlétaires de tout poil ? Leurs excès continuels nous fatiguent assez comme cela !
    De nouveau Mercy se pencha à l'oreille de Nicolas.
    — Il se pourrait qu'il ne craigne que son neveu le duc d'Aiguillon ne se trouve impliqué dans les machinations de cette Villers qui naguère a eu grande part dans l'élévation de Mme du Barry dont elle était l'amie intime.
    Nicolas entendit avec douleur M. de Maurepas évoquer le corps du peuple en des termes aussi empreints de mépris. Il se remémora sa précédente réflexion à la chapelle. Ces hommes et ces femmes, que sa tâche quotidienne lui faisait approcher et comprendre, jamais il ne les pourrait traiter ainsi. Pour une part de lui-même, il se sentait l'un d'eux.
    — Vergennes ? dit le roi.
    Les deux bourrelets de chair entre les sourcils du ministre se plissèrent.
    — Il y a plus à perdre qu'à gagner dans cette affaire…
    — … qui devrait demeurer environnée de ténèbres, acheva Sartine.
    — Et qu'en pense monsieur Amelot ?
    L'intéressé toussa, s'étrangla, et prit son élan.
    — Je ppp…pen… pense, Sire…, que je ré…ré…fléchis. Il y a du p… pour, il y a du con… du contre.
    — Le sot ! murmura Mercy.
    Le roi ouvrit Le Voyage et parut se perdre dans la contemplation d'une planche représentant les naturels des îles de la Sonde. Il le ferma tout aussi brusquement que la fois précédente.
    — Et qu'en dit Ranreuil ?
    Les têtes se tournèrent vers Nicolas seule manifestation apparente de surprise. Voilà ! pensa-t-il, je vais encore me faire quelques ennemis. Le roi suivait souvent le conseil de celui qui s'exprimait le dernier.
    — Son avis est à prendre en considération, Sire, dit Maurepas. Ma femme le tient pour un habile négociateur capable de sauver des causes perdues 162 .
    Les mines s'allongèrent. Que voulait signifier le vieux Mentor ?
    — Allons Ranreuil, vous avez le nihil obstat de M. de Maurepas.
    — Je dirais à Votre Majesté que l'affaire est délicate. Elle est à la fois scandaleuse et dérisoire. D'une part le nom

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