Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
Vom Netzwerk:
cédé. La laissera-t-on sans secours ?
    — Allons voir, mais prenons garde.
    Le commissaire prudent reprenait le dessus dans ce type de circonstances. Une voiture en détresse au bord du chemin pouvait toujours recéler quelque guet-apens habilement fomenté. Les exemples abondaient et il en avait constaté plus d'un durant ses dix-sept années de services. Il s'assura de la présence du pistolet miniature logé dans l'aile de son tricorne. Ce présent de l'inspecteur Bourdeau lui avait plusieurs fois sauvé la mise. Louis avait déjà sauté à terre et gadouillait dans la neige. Deux cavaliers aux manteaux blancs de grésil piquèrent menaçants vers eux et firent cabrer leurs montures au risque de les faire choir.
    Nicolas envisagea la scène d'un coup d'œil : un carrosse de la cour presque sur le flanc, il avait tout de suite repéré les armes de France. Connaissant son monde, il reconnut les traits d'un des cavaliers, ceux d'un lieutenant de la compagnie des gardes du corps. D'évidence il s'agissait de l'escorte d'un membre de la famille royale. Il retint Louis d'une main ferme et prit d'une voix claire la parole.
    — Bonsoir, ou plutôt bonjour, messieurs. Je suis le marquis de Ranreuil et voici mon fils Louis, page de la Grande Écurie. Pouvons-nous vous venir en aide ?
    Il avait usé de son titre plus connu à la cour.
    — Je vous connais, monsieur le marquis. Serviteur ! Nous escortions Sa Majesté quand le carrosse a versé, une roue s'étant brisée sur une pierre.
    — Aidez-moi ! cria une voix de femme. La reine se trouve mal !
    Les deux gardes du corps ne parvenaient pas à contenir leurs montures qui, tirant sur leurs brides, tournaient sur elles-mêmes, piaffaient et encensaient. Le commissaire et son fils se précipitèrent vers le carrosse et aidèrent une jeune femme masquée en grand costume de bal à sortir. Le froid de la neige la saisit aussitôt et elle se mit à sautiller sur place en poussant de petits gémissements. Nicolas se hissa dans la voiture et découvrit la reine déjà revenue de son malaise qui, relevant la tête, le reconnut. Il saisit les mains qu'elle lui tendait. Il les sentit glacées à travers la soie des gants. Marie-Antoinette se redressa comme après une grande révérence de cour. Une odeur de jasmin s'exhala de ce flot de tissus en haut duquel une figure pâle apparut sous la haute coiffure.
    — Monsieur, que je suis aise que ce soit vous qui me secouriez de cette fâcheuse conjoncture.
    — J'ose espérer, dit Nicolas, que Votre Majesté est indemne ?
    Elle sourit et s'appuya sur ses épaules. Il recula et elle descendit. Il remonta dans la caisse pour ramasser une cape de satin blanc tombée à terre dont il la recouvrit avec dévotion. Elle en releva aussitôt la capuche. L'un des gardes s'approcha, le bras dans les rênes de son cheval calmé.
    — Je viens prendre les ordres de Votre Majesté. Nous ne trouverons pas un charron à cette heure pour réparer. Et il est sans doute préférable…
    Il n'acheva pas.
    — Que propose le marquis de Ranreuil ? Il est de bon conseil, c'est notoire.
    — Si Votre Majesté y consent, elle pourrait avec sa dame d'honneur prendre place dans ma voiture.
    — Nous ne pouvons quitter la reine, dit le plus âgé des officiers. C'est hors de question.
    Agacée, la reine agita la tête.
    — La solution est aisée, précisa Nicolas. La reine et sa dame prendront place dans la voiture. L'un d'entre vous montera aux côtés du cocher et l'autre à l'arrière de la caisse. Mon fils et moi ramènerons vos montures à Versailles.
    La reine approuva sans mot dire, ce qui acheva la discussion et rendit sans objet les objections qui auraient pu s'élever. Nicolas conduisit la reine à la voiture tandis que Louis agissait de même avec la dame d'honneur. À l'abri de sa capuche, la reine murmura.
    — Le cavalier de Compiègne est toujours là quand il le faut. Et nous avons deux petits Ranreuil désormais ! Mme Campan vous attend, moi aussi…
    Le carrosse repartit à vive allure. Nicolas s'évertua à assagir les deux montures que l'épisode avait décidément énervées. La main sur les naseaux, il leur parla l'un après l'autre à l'oreille et les apaisa sous le regard étonné de son fils. Ils reprirent la route à petits pas, tâchant d'éviter les plaques de glace et les fondrières si dangereuses pour les cavaliers. Parvenus sur la place d'Armes, ils conduisirent leurs compagnons à la Grande Écurie.

Weitere Kostenlose Bücher