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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Alors qu'il prenait appui sur le mur, il perçut des vibrations dans la corde comme si, plus haut, on tentait de la cisailler. L'angoisse le saisit. Il tournoyait, suspendu par les poignets à ce lien fragile. Il sentit qu'il cédait ; il allait être précipité sur le pavé. Il attendit, plein d'horreur, le choc final… Là-haut, se penchant, un visage maquillé le regardait. À quelle occasion l'avait-il déjà vu ? …
    — Mon père, il serait l'heure de vous apprêter.
    Hagard, il reconnut le visage de Louis. Il se sentait crispé, les ongles dans la paume. Encore une fois, Morphée, dieu moqueur du matin, lui avait joué un tour.
    — Mais quelle heure est-il donc ?
    — Cinq heures, mon père. La voiture doit nous prendre à la demie.
    Nicolas observa que son fils ne paraissait guère éprouvé par une nuit qu'il supposait sans sommeil. Il est vrai qu'à cet âge les plaisirs laissent peu de traces. Cette pensée suscita un regain d'irritation.
    — Vous n'étiez pas là cette nuit.
    Cela fut dit sur un ton égal comme une constatation.
    Louis le regarda, l'œil espiègle.
    — Auriez-vous mis des mouches à mes basques ?
    — Plût au ciel, dit Nicolas souriant à son tour, cela m'éviterait d'être indiscret et de vous mettre à la question.
    — Il faut donc que je vous réponde, même si, pour le faire, je dois violer un autre engagement tout aussi sacré que peut l'être mon respect à votre volonté.
    Nicolas s'inquiéta. Quel engagement Louis pouvait-il avoir pris et auprès de qui ? Quelle autre autorité était à même de balancer l'autorité d'un père ? En vérité, les fils faisaient vieillir les pères avant l'âge.
    — Et quelle puissance, je vous prie, mériterait de vous contraindre à un tel choix, encore que je vous sente pencher dans le bon sens ?
    Il n'aimait guère ces joutes familiales qui ranimaient une douleur ancienne et aussi des remords, ceux de son dernier entretien au château de Ranreuil avec le marquis son père.
    — Celle, que vous reconnaîtrez comme telle, d'une mère vis-à-vis de son enfant.
    — D'une mère ? Que signifie ? …
    Une étrange émotion s'était saisie de lui.
    — De la mienne qui est à Paris et avec laquelle j'ai passé la nuit à parler de moi et surtout…
    Un sourire tendre et moqueur flottait sur ses lèvres.
    — …de vous, mon père, dont elle s'inquiète.
    Nicolas allait parler, son fils lui prit le bras.
    — Non, laissez-moi achever. J'ai reçu, il y a deux jours, un message à Versailles. Ma mère était à Paris et me le faisait savoir. Elle venait choisir des dentelles pour son négoce de Londres. Elle entendait que sa présence ne fût d'aucune gêne pour moi, mais tenait à cœur de m'embrasser. La mission dont j'ai été chargé auprès de vous m'a procuré le loisir d'accéder à son vœu.
    — Et où est-elle descendue ?
    — Je ne sais si…
    La réticence de son fils ne lui sembla pas très ardente.
    — Allons, Louis, vous en avez trop dit et, d'ailleurs, j'ai les moyens de le savoir aisément. Votre mère m'est chère et je ne me pardonnerais pas d'avoir su sa présence sans chercher à la voir.
    Cette déclaration parut ravir le jeune homme.
    — Elle loge pour trois jours encore dans une chambre rue du Bac qui appartient aux nouveaux tenants de son ancien commerce.
    — Cela nous laisse le loisir de revenir de Versailles. Je vous sais gré, Louis, de votre sincérité. Soyez assuré que votre mère le comprendra et, d'ailleurs, je m'efforcerai de l'en convaincre.
    Il demeura seul pour une rapide toilette sous le regard réprobateur de Mouchette qui, appréhendant son départ, poussait de petits cris plaintifs de reproche. Poitevin parut bientôt, suivi de Cyrus essoufflé, et lui signala l'arrivée de la voiture de cour. Peu après, le père et le fils s'y engouffraient, ayant traversé l'obscurité glaciale de la rue Montmartre.
    La nouvelle confiée par Louis le plongea dans un silence méditatif. Les yeux fermés, il revoyait le pauvre visage navré d'Antoinette dans la galerie basse de Versailles. La froideur et l'agacement qu'il avait manifestés pesaient encore sur lui comme un remords, une faute dont il n'avait cessé de s'accuser. En vérité, il n'avait rien à lui reprocher, sauf de lui avoir si longtemps dissimulé l'existence de Louis et même cela participait du souci de lui être utile. La vie lui avait fait longer le rivage des turpitudes parisiennes sans en vérité qu'elle s'y perde

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