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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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Bien qu'il tombât de sommeil, Louis eut le temps d'expliquer à son père les raisons de la présence de la reine sur la route de Versailles à une heure aussi indue.
    En ce dernier dimanche gras avant le début du carême, elle avait décidé de se rendre une fois encore au bal de l'Opéra à Paris. Elle devait se tenir dans la loge du duc d'Orléans pour y lorgner les masques et admirer les quadrilles. Il y avait, Nicolas le savait, des raisons plus profondes à cette agitation. La langueur des divertissements à la cour poussait sans cesse la reine à s'en procurer ailleurs de plus vifs. De là, les promenades en traîneaux, des chasses dans les forêts voisines et des escapades nocturnes dans la capitale qui faisaient notablement jaser. Cette furieuse agitation s'était soldée par des rhumes heureusement sans suites. La reine avait elle-même convenu en public que, voulant accumuler les plaisirs au-delà des bornes du raisonnable, elle ne s'était, au total, que médiocrement amusée. Mercy-Argenteau, l'ambassadeur de l'impératrice Marie-Thérèse, qui se confiait volontiers à Nicolas depuis son périple à Vienne, lui avait avoué dans une embrasure son souci : la reine ne prenait pas assez de précautions ; en particulier, au bal de l'Opéra, elle parlait à tout le monde, se promenait suivie de jeunes gens, et tout cela se passait avec une tournure de familiarité à laquelle le public ne s'accoutumerait jamais !
    Louis salua son père et courut prendre quelques instants de repos avant son service de page. Nicolas franchit les grilles du Louvre 39 où partait l'agitation du matin. Connu de tous, il passa sans encombre. Il hésita un moment pour savoir s'il assisterait au petit lever du roi. Il alla déambuler dans la galerie des glaces où il attendait le jour et le moment décent de se présenter chez la reine. Il avait compris que non seulement Mme Campan voulait lui parler, mais également la reine s'il avait bien saisi le propos sibyllin de Marie-Antoinette. Une odeur d'oignons frits lui chatouilla les narines qui le mena jusqu'à l'entrée de l'antichambre de l'Œil de Bœuf qui gouvernait les appartements du roi. Un suisse carré et colossal le salua comme un habitué respecté ; il vivait, mangeait et dormait là. Un simple paravent dissimulait son lit et sa table ainsi que le bracero 40 sur lequel il fricassait sa pitance. Jamais il ne sortait de son antre doré et douze mots sonores ornaient sa mémoire et composaient son service : Passez, messieurs, passez ! Messieurs, le roi ! Retirez-vous. On n'entre pas, monseigneur . Quand sa voix de tonnerre retentissait, les pelotons serrés des courtisans s'amoncelaient ou se dissipaient, les regards fixés sur cette large main qui tournait le bouton doré de la portière de glace.

    Son attente fut longue. Sans doute le retour de la reine avait-il retardé l'heure de son lever et de sa toilette au cours desquels elle recevait les personnes autorisées à lui faire leur cour. Une fois achevée cette audience, elle se retirait dans ses cabinets intérieurs où elle retrouvait des amies et surtout sa modiste Rose Bertin pour la présentation d'atours nouveaux. Nicolas, assis dans la salle des gardes, vit ainsi passer la modiste, puis Mme de Polignac. Vers neuf heures, il vit venir à lui Mme Campan qui lui indiqua une banquette le long du mur de l'immense salle.
    — Pardonnez-moi, monsieur le marquis, nous serons ici plus à l'aise pour deviser à l'abri des oreilles indiscrètes. La reine vous recevra ensuite. À vrai dire, je ne sais comment aborder…
    Elle torturait un morceau de ruban couleur amarante.
    — … l'affaire délicate qui a justifié le message urgent que monsieur votre fils a bien voulu vous tenir. Par où commencer ?
    — Madame, si vous m'en voulez croire, narrez-moi la chose simplement et sans fioritures, comme si nous étions au coin du feu à deviser des événements du jour.
    Il la sentait indécise et presque intimidée alors que la bonne personne n'avait pas la réputation de manquer de caractère, régentant sans faiblesse les bas entours de la reine tout en possédant sur sa maîtresse l'influence de la présence de l'habitude, et du dévouement.
    — Puis-je demander à quelqu'un à qui rien n'échappe de la cour et de la ville, si vous connaissez Mme Cahuet de Villers ?
    Nicolas réfléchit un moment, ce nom ne lui était pas étranger. Il se souvint que, durant les dernières années du règne de Louis XV,

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