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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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faible.
    — Vous ignorez sans doute que le prince Louis, arguant d'une demi-promesse orale du roi à M. de Soubise et à Mme de Marsan, personne qu'il porte en affection depuis sa prime enfance, l'a rendue entière et efficace en remerciant. Il fait désormais valoir cette prétendue promesse pour briguer la succession de Mgr de la Roche-Aymon à la grande aumônerie. La fin du vieux prélat approchant, toute la puissante séquelle des Rohan soutient à grands cris cette prétention…
    L'air animé, elle releva la tête.
    — … Ce serait grand malheur pour moi ; j'aurais à subir son audace en intrigues dont ma chère maman a elle-même souffert lorsqu'il était ambassadeur à Vienne. Et me connaissant, je ne pourrais m'empêcher de le traiter mal tant mon éloignement est grand pour ce personnage qui n'en sera que plus environné de machinations. Quant à cet abbé, que je sais avoir été naguère employé à forger de fausses lettres de l'impératrice-reine… Il sera l'âme agissante et l'ordonnateur de cette cabale dont, déjà, Breteuil fut et demeure victime et qui me tient, moi leur reine, pour un objet de méfiance et de mépris.
    — Je ne puis croire, dit Nicolas qui poursuivait son idée, que cette femme ait pu s'adresser à la reine.
    — Et vous avez raison de le croire, monsieur, jeta-t-elle écarlate. C'est à M. de Saint-Charles, intendant des finances qui a accès à mes appartements, et par lui, que la demande a été faite sans négociation.
    — J'entends tout ceci. Que Votre Majesté se rassure. Il n'est point d'affaire si mal engagée, si confuse, si disparate qui ne trouve son issue quand une volonté droite et loyale s'attache à la résoudre.
    — Que Dieu vous entende, monsieur !
    Elle lui tendit la main. Il emprunta à nouveau le petit escalier. En bas, Mme Campan l'attendait qui tenta en vain de connaître le détail de la conversation.
    — Une question, madame, dit Nicolas saisi d'une soudaine inspiration, combien de fois la reine s'est-elle adressée à Mme Cahuet de Villers ?
    Souvent il avait constaté qu'une question posée supposant un fait acquis permettait de faire jaillir la vérité.
    — Oh ! Deux ou trois fois, en ma présence. Une fois au grand lever et à deux reprises dans les arrière-cabinets.

    Dans la salle des gardes, un garçon bleu le tira par la manche ; M. de Sartine l'attendait dans son bureau de l'aile des ministres. Il éprouva un peu d'agacement à se voir ainsi convoqué. Rien n'était immotivé ni désintéressé chez Sartine. Son ancien chef n'avait que trop tendance à supposer qu'il demeurait à ses ordres et, quelles que fussent ses nouvelles fonctions, il faisait appel à lui sans sourciller. Ces quasi-assignations visaient, il le sentait bien, à retendre le lien qu'une longue connivence et la naturelle reconnaissance du commissaire avaient tout naturellement tissé. Il fut aussitôt introduit sans doute sur instructions données de ne le point faire attendre. Sartine, à son bureau, écrivait, son visage penché dissimulé par une longue perruque inconnue à ce jour de Nicolas. Il releva enfin la tête et les ailes de sa coiffure s'écartèrent qu'il rejeta en arrière. Les yeux inquisiteurs se plissaient dans l'étroit visage fixant le visiteur sans sourire. Pourtant, à la surprise du commissaire, l'accueil fut des plus suaves et même bon enfant. Mais chez le ministre tout pouvait être leurre et artifice destinés à entraîner l'interlocuteur sur un terrain préparé à l'avance, celui des questionnements sagaces.
    — J'apprends que vous sortez de chez la reine. Sans doute souhaitait-elle remercier le marquis de Ranreuil de l'avoir tirée d'un essieu rompu sur la route de Versailles au terme d'une longue soirée de carnaval. Vous direz à Le Noir que les réverbères étaient éteints faute d'huile sur cette route…
    — Monseigneur est mal informé, c'est une roue qui s'est brisée, sur une pierre.
    Rien de tout cela ne le surprenait. Le ministre, de longue main, disposait d'un réseau d'informateurs efficace, conservé de ses anciennes fonctions de lieutenant général de police. Jamais ces liens particuliers ne s'étaient rompus et la toile ainsi tissée et tendue lui procurait une universelle connaissance de trames et de faits, le tout et le rien de la cour et de la ville. Et faute d'informations, il prêchait le faux pour découvrir le vrai.
    — Roue ou essieu, peu me chaut ! C'est grande habileté de se trouver

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