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Le cadavre Anglais

Le cadavre Anglais

Titel: Le cadavre Anglais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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s'approche de moi ce mignon avec son air faraud, mon cœur se remet à battre. Ah ! Si j'avais compris sur-le-champ que j'avions affaire à un courtisan du cheval de bronze 100  ! Il m'a bien traversée et a aussitôt jeté ses plombs sur moi et pris son temps 101 pour se rendre à composition 102 .
    Elle paraissait frissonner. Il décela comme une vague de béatitude qui la submergeait.
    — Tu me vois à quia… Que faire ? Je n'en suis point à savoir m'en passer. Sais-tu qu'il me vole, alors que je lui donne sans compter ?
    Où était donc passée la gaguie 103 réjouie d'autrefois ? Elle se servit à nouveau du ratafia, semblable à l'automate de Vaucanson qui vide verre après verre.
    — Tu me vois regoulée de tout. Quant aux affaires ! La concurrence est rude. Je n'ai plus le cœur à suivre la mode et la pratique se fait rare. Il lui faut des nouveautés. Ah ! Comme je regrette la pauvre Satin ! Comment va ton fils ?
    Il y avait là une voie où il fallait s'engouffrer.
    — Louis va bien. Il se garde d'oublier son affection pour sa tante ni l'aide qu'elle lui a jadis apportée.
    Elle redoubla de sanglots.
    — Vois-tu… toi et la Satin… on aurait pu s'arranger.
    — Tu me la contes joliment, oublies-tu mes fonctions ?
    — Voyez-vous le bégueule ! Comme s'il ne savait pas que la pousse 104 et la débauche marchent d'un même pas, appuyées l'une sur l'autre !
    Il décida d'ouvrir ses sabords. Rien ne l'obligeait à biaiser.
    — As-tu vu Antoinette depuis son départ ? jeta-t-il d'un ton indifférent en tenant levé son verre qu'il considérait avec attention.
    La Paulet parut se tasser sur elle-même, ses petits yeux enfoncés s'agitant en tous sens. La langue humecta le sanglant des lèvres.
    — Tu as de ses nouvelles ?
    À la question posée, la vieille matoise, toujours sagace, répondait par une autre.
    — Elle écrit à Louis qui m'en informe.
    Elle ne disait rien. Il décida de changer la cible de ses pièces. La manœuvre faciliterait la question suivante.
    — Toi qui sais tout de la ville, un modèle du nom de Freluche te dit-il quelque chose ?
    Elle semblait soulagée du tour que prenait la conversation. Au fond, elle avait toujours craint Nicolas. Elle se frappa le front d'où churent des fragments de céruse.
    — Dis donc ! Une pétronille que j'ai failli avoir dans mon harem. J'y avais renoncé vu son âge ; tu connais la Paulet : elle a des principes. Mais elle a fait son jeu toute seule à la marge de la comédie, de la rabouille et des ateliers de peinture. Le modèle sert à tout. Elle loge pour l'heure rue des Beaujolais près du Palais-Royal chez un marchand de vin dont la veuve cuisine pour les peintres. Elle a longtemps grugé un capitaine de cavalerie, homme de condition, grison qui la prenait pour une rosière. Pour l'heure c'est un coquelet d'aristo, officier d'on ne sait quoi.
    — Mille mercis, ma chère Paulet. Que puis-je faire pour t'être agréable en retour ?
    — Si tu effrayais un peu mon gaillard ? Cela l'attendrirait peut-être…
    — Appelle-le.
    — Simon !
    Il parut aussitôt en tenue de garde-française.
    — Monsieur, dit Nicolas le menton haussé, celui qui vous fait l'honneur de vous parler est commissaire au Châtelet.
    — Tu peux l'en croire, dit la Paulet ricanante, et des plus retors !
    — … Si je devais apprendre que Mme Paulet, ma mie, ait à souffrir de votre fait, j'en aviserais sur-le-champ Monseigneur le Maréchal de Biron qui me fait l'honneur de son amitié. Serviteur monsieur !
    Sa sortie s'effectua en majesté devant une assistance médusée, de satisfaction vengeresse pour la Paulet triomphante et de crainte redoublée pour le soldat penaud.

VII
    ANAMORPHOSE
    Je suis aussi certain
    Que le veneur qui chasse
    Qu'un aveugle qui veut
    Les couleurs contempler
    Jacques Grévin
    Ayant intimé à son cocher de le suivre au pas, il se dirigea à pied vers la rue Royale. Comme toujours, la marche le renfermait en lui-même, propice à ce qu'il nommait la rumination de l'esprit. Le retour sur le passé favorisait-il le déchiffrement du présent ? Tout dans ce quartier évoquait les péripéties de son existence. Le Dauphin couronné, la place Louis XV qu'il venait d'atteindre et proche, à main gauche, l'hôtel de Saint-Florentin, chacun de ces lieux l'avait à sa façon profondément marqué. Il leva les yeux pour retrouver les trophées de la terrasse de l'hôtel des ambassadeurs extraordinaires depuis

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