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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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s’écria Fields en agitant les mains. Il avait pris un ton énervé, ce qui n’était pas dans ses habitudes. « Nous placerons un autre billet la semaine suivante, c’est moi qui vous le dis ! »
    Au moment d’atteindre la porte, Osgood marqua une hésitation.
    « Pour quelle affaire le Dr Manning est-il passé nous voir cet après-midi, monsieur Fields, si je puis me permettre ?
    — Rien qui vaille la peine d’être mentionné. »
    Sur un long soupir qui contredisait sa réponse, l’éditeur s’en retourna vers l’épais coussin de manuscrits empilés sur la banquette. Dehors, sur le Common {3} les passants portaient encore des toilettes en lin. On remarquait même ici ou là des canotiers. Comme Osgood s’apprêtait à sortir, Fields ressentit le désir de s’ouvrir à lui.
    « Si nous persévérons dans notre intention de publier la traduction de Longfellow, Augustus Manning veillera à résilier tous les contrats liant Harvard à notre maison.
    — Mais cela fait des milliers de dollars ! Et, pour les années à venir, une dizaine de milliers de plus de manque à gagner… »
    Fields hocha la tête patiemment.
    « Savez-vous, Osgood, pourquoi nous n’avons pas publié Whitman lorsqu’il nous a soumis ses Feuilles d’herbe ? »
    Il n’attendit pas la réponse.
    « Parce que Bill Ticknor ne voulait pas que les passages charnels attirent des ennuis à sa maison d’édition.
    — Puis-je vous demander si vous regrettez cette décision, monsieur Fields ? »
    La question plut à l’éditeur. D’employeur, il se fit mentor.
    « Non, mon cher Osgood, nullement. Whitman appartient à New York, tout comme Pœ. »
    Ce dernier nom fut prononcé avec plus d’amertume, pour des raisons douloureuses que le temps n’avait pas apaisées.
    « Pourquoi leur retirer le peu qu’ils possèdent ? Mais quand il y va de la vraie littérature, nous ne devons pas reculer. Pas nous, gens de Boston. Et, maintenant, nous ne reculerons pas ! »
    « Maintenant que Bill Ticknor n’est plus », voulait-il dire. Il n’entendait pas par là que feu William Ticknor n’avait pas eu de goût en matière de littérature et que son apport au monde de l’édition s’était borné à guider les affaires avec le flair du financier avisé qu’il avait été à ses débuts. Non, si le vieux Ticknor avait effectivement transformé le métier – et ce, à une époque où ce n’était guère plus que du commerce de livres –, c’était aussi parce qu’il avait la littérature dans le sang, comme tous les hommes de sa famille. Cela, nul ne pouvait le nier. Son cousin, George Ticknor, Smith Professor {4} à Harvard, avant Longfellow et Lowell, avait été reconnu jadis comme une autorité littéraire à Boston. En fait, ce que Fields sous-entendait, c’était que le véritable sens du génie littéraire, c’était lui qui le possédait. En effet, qui d’autre que lui savait débusquer le génie dans des manuscrits ou des monographies inachevées ? Qui d’autre savait nouer de solides liens d’amitié avec les auteurs ? Il l’avait fait avec tous les futurs grands écrivains de Nouvelle-Angleterre, et en des temps où les maisons concurrentes leur fermaient leurs portes, les jugeant peu rentables ou trop longs à le devenir.
    On racontait que, dès ses premiers pas dans la profession, Fields avait manifesté des qualités bizarres, voire « surnaturelles », au dire des autres clercs. Il pouvait prédire le genre de livre que recherchait un client rien qu’en observant son visage ou son comportement. Au début, l’éditeur en herbe s’était gardé d’étaler ce don. Mais ses collègues l’avaient quand même remarqué et c’était devenu entre eux l’occasion de paris continuels. Ceux qui misaient contre le néophyte s’en mordaient toujours les doigts. Très vite, Fields avait bouleversé la donne : tout d’abord, en persuadant William Ticknor de récompenser les auteurs au lieu de les gruger ; ensuite, en tirant parti de la publicité, qui pouvait faire d’un poète une célébrité. Élevé au rang d’associé, il avait racheté l’ Atlantic Monthly et la North American Review et en avait fait des tribunes privilégiées où les critiques de la maison encensaient les auteurs publiés chez Ticknor, et où ceux-ci pouvaient faire publier leurs œuvres en feuilletons.
    J. R. Osgood savait qu’il ne serait jamais un lettré de l’envergure de Fields, un littérateur. Voilà

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