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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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a paix de petits chiffres en argent ? demanda ironiquement un chroniqueur. Pourquoi la municipalité, à la requête de Kurtz, avait-elle autorisé les représentants de la loi à porter des armes à feu s’ils n’étaient pas fichus de trouver les criminels sur qui les utiliser ?
    À l’hôtel de police, Nicholas Rey lisait ces dernières critiques avec intérêt. En réalité, des améliorations véritables avaient été mises en place : des cloches d’incendie avaient été installées en de nombreux endroits de la ville afin que les gendarmes pussent se rendre plus vite sur les lieux, quel que fût le secteur touché ; des brigades spéciales de sentinelles tenaient Kurtz constamment informé de la situation dans tous les quartiers, de façon qu’au moindre problème tous les bataillons fussent prêts à se déployer.
    En privé, Kurtz avait demandé à Rey son avis sur les meurtres. Le mulâtre avait pris le temps de considérer la question. Talent rare chez un homme, il ne parlait jamais sans s’être accordé un moment de réflexion, de sorte que ses paroles ne dépassaient jamais sa pensée. Voici ce qu’il avait répondu :
    « À l’armée, quand on rattrapait un déserteur, la division entière avait ordre de se rassembler dans un champ où une tombe avait été creusée et un cercueil placé à côté. Le déserteur, accompagné d’un aumônier, passait devant tout le monde. Arrivé au cercueil, il devait s’asseoir sur le rebord. Là, on lui bandait les yeux et on lui ligotait les mains et les pieds. Ensuite, un peloton d’exécution composé de ses camarades était déployé. Prêts… Armez… À “Feu”, ils tiraient, et l’autre tombait directement dans le cercueil. Alors on l’enterrait, mais sans rien planter dans le sol pour indiquer qu’un homme reposait là. Et nous, l’arme à l’épaule, nous retournions au camp.
    — Vous voulez dire que Healey et Talbot auraient été tués à titre d’exemples ? »
    Kurtz semblait sceptique.
    « Le déserteur aurait très bien pu être abattu dans les bois ou devant la tente du général de brigade. Ou même renvoyé devant la cour martiale. Si on l’exécutait en public, c’était pour nous montrer à tous qu’un déserteur était abandonné, comme il avait abandonné ses frères de combat. Les maîtres d’esclaves employaient la même tactique pour châtier les fugitifs : la punition pour l’exemple. Il n’est pas impossible que, dans ces crimes, l’important ne soit pas les victimes, Healey et Talbot, mais plutôt le châtiment. Pour que nous, le public, nous nous mettions en rang et regardions. »
    Ce raisonnement avait fasciné Kurtz sans le convaincre pour autant.
    « Exécuté par qui, ce châtiment, dans l’affaire qui nous intéresse ? Et pour quelles fautes ? Si le meurtrier voulait que nous tirions un enseignement de ses actes, n’aurait-il pas été plus judicieux de sa part de les perpétrer de telle façon que nous puissions les comprendre ? Un corps nu abandonné sous une bannière, des pieds incendiés, cela n’a pas de sens ! »
    Cela devait en avoir pour quelqu’un, pensa Rey par-devers lui.
    Une autre fois, sur le perron de la chambre de l’État, l’agent profita de ce qu’il escortait son supérieur jusqu’à sa voiture pour lui demander son avis sur Oliver Wendell Holmes. Kurtz haussa les épaules avec indifférence.
    « Holmes… Un poète médecin. Une mouche du coche, un mondain. C’était un ami du professeur Webster, celui qui fut pendu. L’un des derniers à admettre sa culpabilité. Il n’a pas été d’un grand secours pendant l’autopsie de Talbot.
    — Non, en effet, acquiesça Rey en se rappelant la nervosité du docteur à la vue des pieds carbonisés du pasteur. Je crois qu’il n’allait pas bien. Il doit souffrir d’asthme.
    — D’asthme du ciboulot ! » laissa tomber Kurtz.
    Rey avait montré à son chef les papiers qu’il avait ramassés près de la tombe verticale de Talbot. Il en avait bien récupéré deux douzaines, de ces petits carrés pas plus grands qu’un point de tapisserie. Ils portaient tous un caractère d’imprimerie plus ou moins lisible, voire des mots entiers, mais certains étaient à ce point tachés par l’humidité permanente de la crypte qu’il était impossible de les déchiffrer. L’intérêt du mulâtre pour ces détritus avait étonné Kurtz, pour ne pas dire ébranlé sa confiance en lui.
    Néanmoins Rey s’obstinait à

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