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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Matthew Pearl
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les étaler soigneusement sur son bureau. À ses yeux, ces résidus étincelaient d’importance. Ils avaient un sens, il en était certain. Aussi certain qu’il l’était d’avoir entendu l’inconnu chuchoter avant de sauter par la fenêtre. Il avait réussi à identifier plusieurs lettres : m, e, p, eu, r, i, n, co, x, e, me, J, m, ou, et encore un r . Un des papiers portait un g, mais cela pouvait aussi bien être un q.
    Dès qu’il n’était pas occupé à conduire le chef de la police à ses rendez-vous, Rey sortait les bouts de papier de sa poche et employait ses quelques minutes de liberté à les étudier. Il arrivait parfois à composer des mots. Il inscrivait alors dans un carnet les associations qui lui venaient à l’esprit. Puis, il fermait bien fort ses yeux dorés et les rouvrait d’un coup, deux fois plus grand, dans l’espoir inconscient que les lettres, accolées d’elles-mêmes, allaient lui révéler comment les choses s’étaient passées et ce qui devait être fait, à la façon des assiettes qui, dit-on, épellent les mots sous la dictée des morts par le biais d’un spirite talentueux. Un après-midi, Rey plaça les derniers mots prononcés par l’inconnu, ou plutôt ce qu’il en avait retranscrit, à côté de ce nouveau méli-mélo de lettres, se disant que ces deux voix perdues se répondaient peut-être l’une l’autre.
    Son assemblage préféré donnait : Je ne peux mourir comme … Arrivé à ce stade, il calait toujours, bien qu’il vît déjà quelque chose là-dedans. Il essayait alors un autre groupe de lettres : comme moi pour eux. Hélas, il demeurait toujours avec ce bout de papier déchiré représentant un g, à moins que ce ne fût un q ?
    Quotidiennement, des propositions censées régler tous les problèmes à la fois déferlaient sur l’hôtel de police. Hélas, leur ton convaincu n’avait d’égal que leur absence de crédibilité. Le commandant Kurtz assigna la tâche de passer en revue ce courrier à Rey, en partie pour l’éloigner de ses « détritus ».
    Cinq individus affirmaient avoir vu le juge Healey au music-hall, la semaine qui avait suivi la découverte de son corps dévoré par les larves. Grâce au numéro du fauteuil inscrit sur son abonnement pour la saison, Rey retrouva l’homme décrit dans les missives. C’était un peintre-carrossier, originaire de Roxbury, qui avait la même tignasse indisciplinée que le juge. Une autre lettre anonyme informait la police que le meurtrier du révérend Talbot était monté à bord d’un bateau en partance pour Liverpool, emmitouflé dans un surtout emprunté sans autorisation à l’auteur de ces lignes, dont il était un parent éloigné. Une fois là-bas, il avait été traité de façon si scandaleuse qu’on n’entendrait plus jamais parler de lui – non plus que du manteau, au grand dam de son propriétaire légitime qui, selon toute vraisemblance, n’aurait plus jamais l’occasion de le porter. Un autre courrier faisait état d’une dame qui avait avoué d’elle-même chez son tailleur avoir assassiné le juge dans un accès de fureur jalouse. Depuis, elle avait pris la fuite en chemin de fer, mais l’on pourrait la retrouver à New York dans l’un des quatre hôtels cités.
    Un jour, à la lecture d’une de ces lettres anonymes, Rey se sentit saisi de trépidation. Le papier élégant ne comportait que deux lignes écrites en majuscules maladroites pour que l’on ne reconnût pas la main de l’auteur : Creusez plus profond le trou du révérend, quelque chose a été oublié sous sa tête. Signé : Respectueusement vôtre, un citoyen de notre ville.
    « Quelque chose a été oublié ? » se moqua le commandant Kurtz et il jeta la lettre sur son bureau.
    Mais l’agent manifestait un enthousiasme qui ne lui était pas coutumier.
    « Pour une fois, l’expéditeur ne cherche pas à nous convaincre. Il n’invente pas d’histoire abracadabrante, il se contente de nous donner une information. Vous noterez qu’il est au courant des circonstances véritables. En tout cas, du fait que Talbot a été enterré dans un trou, et la tête en bas. Or les journaux n’ont cessé de varier dans leurs comptes rendus, ce qui finalement est tout à notre avantage. » Et le mulâtre de répéter à voix haute et sur un ton volontairement significatif : «  Sous sa tête…
    — Rey, j’ai assez de problèmes comme ça ! Quelqu’un à l’hôtel de ville a informé le

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