Le cercle de Dante
Transcript que Talbot avait été découvert nu et ses vêtements empilés à côté, comme Healey. La nouvelle paraîtra demain. Demain, cette fichue ville tout entière saura que nous avons affaire à un seul et unique assassin. Les gens ne se contenteront plus de fustiger la “criminalité” : ils voudront un nom ! Pourquoi cette lettre ne précise-t-elle pas en quoi consiste le quelque chose que nous devrions trouver dans le trou de Talbot ? Et pourquoi votre bon citoyen ne vient-il pas me dire en face ce qu’il sait ? »
Rey éluda les questions de son supérieur.
« Permettez-moi d’aller inspecter la crypte, chef. »
Kurtz secoua la tête.
« Alors que ces maudits prédicateurs de tout le Commonwealth dirigent leurs feux sur nous ? Non ! Pas question de creuser des trous dans le sous-sol de la Seconde Église unitarienne sous prétexte d’y dégotter d’imaginaires vestiges !
— Nous avons laissé la fosse en l’état, pour le cas où nous devrions y poursuivre les recherches, insista Rey.
— Et c’est très bien comme ça ! Le sujet est clos, je ne veux pas entendre un mot de plus, monsieur l’agent de police. »
Rey hocha la tête. Pour autant, il ne se départit pas de son air entendu. Les refus obstinés du commandant ne faisaient pas le poids face à la désapprobation silencieuse de son cocher. Dans l’après-midi, Kurtz empoigna son pardessus et marcha vers le bureau de Rey :
« À Cambridge, à la Seconde Église unitarienne. »
Ce fut un autre sacristain qui leur ouvrit la porte, un monsieur qui ressemblait à un commerçant avec ses favoris roux. Il expliqua que son prédécesseur avait démissionné pour raison de santé, tellement la vue du corps de Talbot l’avait bouleversé. Il se mit en demeure de chercher la clef de la crypte.
« Vous avez intérêt à ce que nous découvrions quelque chose ! » jeta le chef de la police à son subalterne quand la puanteur du souterrain les frappa au visage.
Ils ne furent pas déçus.
Rey n’eut qu’à creuser quelques pelletées à l’aide d’un outil à long manche pour découvrir la bourse que Longfellow et Holmes avaient pris soin d’enterrer à nouveau. À la lueur d’une lanterne à gaz, il entreprit de compter les billets.
« Mille, chef. Mille dollars tout rond. »
C’est alors qu’il se souvint d’un fait digne d’être rapporté :
« Chef, le commissariat de Cambridge ! Vous rappelez-vous ce qu’ils ont dit, le soir où nous avons trouvé le corps de Talbot ? Que la veille, le révérend avait signalé que son coffre-fort avait été forcé.
— Et combien y avait-on dérobé ? »
Rey désigna de la tête l’argent étalé par terre aux pieds d’un Kurtz sidéré.
« Mille dollars ! s’exclama le commandant. Je me demande si ça nous aide ou si ça nous complique encore plus les choses. Que je sois damné ! Un Langdon W. Peaslee ou un Willard Burndy ne s’amuserait pas à dévaliser le coffre-fort de Talbot, à le trucider le lendemain et à remettre l’argent dans sa tombe pour que personne n’en profite ! »
C’est alors que Rey marcha sur le bouquet de fleurs laissé par Longfellow. Il le ramassa et le montra à Kurtz.
De retour dans la sacristie, le nouveau sacristain leur jura ses grands dieux qu’il n’avait ouvert la crypte à personne avant eux.
« C’est fermé depuis… les circonstances.
— Votre prédécesseur, peut-être, M. Gregg ? Savez-vous où nous pouvons le trouver ? demanda le chef de la police.
— Ici même, chaque dimanche. Fidèle comme pas un, répondit le sacristain.
— Eh bien, la prochaine fois que vous le verrez, je veux que vous lui demandiez de venir nous trouver immédiatement. Voici ma carte. Nous devons savoir s’il a autorisé quelqu’un à pénétrer dans la crypte. »
Ils rentrèrent à l’hôtel de police, où le travail ne manquait pas : interroger le sergent de ville de Cambridge qui avait enregistré la déposition du révérend Talbot ; retracer auprès des banques l’origine des billets retrouvés et vérifier qu’ils provenaient bien du coffre-fort du pasteur ; écumer le quartier de Talbot à Cambridge pour recueillir des informations sur la nuit du cambriolage ; enfin, mettre la main sur un graphologue capable d’analyser la lettre anonyme à l’origine de la découverte de la bourse.
Pour la première fois depuis la mort du juge, Rey nota que son chef éprouvait un véritable optimisme. Il
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