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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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d'une épée. Devant ses yeux embués dansait la ronde macabre de son escorte qui tombait autour d'elle, comme les deux hommes tout à l'heure dans le pré.
    — Elle est morte dans mes bras à l'aube, me faisant promettre de vous donner à chacune l'éducation qu'elle avait reçue en son temps, ici même, par mes soins…
    L'abbesse marqua une pause, promena sa déception sur le visage exsangue de Philippine, puis secoua la tête d'un air navré.
    — Sœur Sophie était dans le verger ce tantôt. Elle m'a rapporté votre propos.
    — Je…
    — Taisez-vous ! Vous avez agi de façon impardonnable ! Certes, votre méconnaissance des hommes ne vous permettait pas de mesurer les conséquences de votre jeu, mais jamais votre mère ne se serait abaissée à tel comportement.
    Des larmes roulèrent sur les joues de la damoiselle. A ce constat, elle aurait cent fois préféré le fouet.
    — Il faut croire que le démon de la débauche s'est posé sur votre épaule. J'ai passé outre pour le jeune convers…
    Philippine sursauta, amenant un rictus affligé sur le visage de la moniale, qui la cingla, impitoyablement :
    — Vous imaginiez-vous que votre manège était passé inaperçu ?
    Philippine sentit son cœur cogner si violemment dans sa poitrine qu'il lui écartelait les côtes. L'abbesse secoua sa main devant son visage pour en chasser une mouche importune.
    — Seule la tendresse que j'éprouvais pour votre mère m'a empêchée de vous renvoyer. Las, grinça-t-elle, il ne se passe pas un jour sans que sa mémoire soit souillée. Par votre père qui a ouvert sa couche à sa dépravée de nièce, et par vos manières, ici même, dans cette abbaye où elle est enterrée !
    Son poing rageur s'écrasa sur le plateau de châtaignier, faisant sursauter plumes et encriers. Elle se dressa en s'appuyant sur ses phalanges, froissant le parchemin. Philippine recula d'un pas devant sa mine ulcérée. Jamais elle n'avait vu autant de colère noircir le regard de l'abbesse.
    — Vous auriez pu convoler en épousailles avec Laurent de Beaumont que cela aurait été dans l'ordre des choses, mais sans doute n'était-il pas assez aimable pour vous ? Pourquoi se contenter d'un convers lorsque l'on peut avoir un page ? Pourquoi un page lorsque l'on peut troubler un Hospitalier ?… Que faudra-t-il donc pour vous satisfaire ? Finir comme une catin dans le lit d'un prince ?
    Philippine recula sous la morsure de l'insulte. Ses épaules heurtèrent le bois massif de la porte. Elle ramena ses mains devant son visage, épouvantée de l'image que lui renvoyait l'abbesse. Son ricanement la rendit plus misérable encore :
    — Est-ce votre seul repentir ? Vous voiler la face ? Vous m'avez déçue, Philippine de Sassenage. Votre mère avait espéré vous voir un jour me succéder dans ce lieu qui fut son tombeau. Je brûlerai en enfer plutôt que de vous laisser le profaner encore. La vie de ces hommes est entre les mains du Seigneur tant les blessures qu'ils se sont infligées sont graves. Qu'ils vivent ou meurent n'y changera rien pourtant. Vous êtes devenue indigne de cette communauté !
    La colère de l'abbesse retomba avec cette dernière phrase. Philippine n'osa la regarder, l'implorer, quémander. Elle était anéantie. L'abbesse se laissa choir sur son siège.
    — Sortez à présent, ordonna-t-elle encore. Il me faut informer votre père de vos actes et de ma décision. Elle sera sans appel. Jusqu'à ce qu'il vienne vous chercher, vous jeûnerez et prierez dans l'isolement et le dépouillement le plus total d'une des cellules du sous-sol. Vous ne verrez plus ni les moniales ni vos sœurs, qu'il me faut préserver de vos égarements.
    Philippine hocha la tête avant de se détourner et de soulever la clenche. Elle ne fit qu'un pas pourtant dans l'embrasure de la porte avant de glisser sur le parquet, avalée par l'abîme qu'elle avait elle-même ouvert sous ses pieds.
     

4
    Philibert de Montoison écarquilla ses yeux vitreux dans une semi-obscurité balayée d'arabesques claires. Il n'éprouvait aucune douleur. Simplement une intense lassitude. Il aurait été incapable, à l'instant, de dire où il se trouvait. Pas davantage qui il était. Mais, curieusement, cela ne l'effrayait pas. Il demeura un long moment ainsi à regarder se mouvoir ce ballet lumineux, lorsque, par réflexe, sa langue claqua dans sa bouche sèche, amenant un goût de fiel dans sa gorge. Un spasme suivit qui remonta sa trachée, et

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