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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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elle éprouvait des sentiments incompatibles avec le service de la foi. Elle était amoureuse de l'idée d'amour. Son attention se portait sur un des trois convers admis dans l'enceinte de l'abbaye pour en assurer l'entretien. Sitôt dégagée de l'enseignement dont elle bénéficiait, Philippine n'avait de cesse de le guetter, grisée de l'émoi que cette attente lui procurait.
    Ce jour-là, accroupie dans le carré des simples, elle dégageait une touffe d' Althœa officinalis du chiendent qui la parasitait, lorsqu'une voix masculine inconnue lui avait fait lever la tête.
    Curieuse de nature, elle avait suspendu son geste pour jauger le visiteur qui déambulait aux côtés de sœur Aymonette, la préchantresse de la communauté. Âgé d'une vingtaine d'années, le front haut et altier, le jouvenceau affichait une jovialité qui illuminait des traits raffinés. Philippine avait aussitôt décidé de mesurer sur lui son pouvoir de séduction. Elle s'était redressée, avait frotté ses mains sur ses jupes, rajusté son hennin avant de simuler une quinte de toux pour attirer son attention. Comme elle l'avait escompté, les deux promeneurs s'étaient immobilisés pour se tourner vers elle.
    Un seul regard échangé et Laurent de Beaumont s'était enflammé. Dès lors, délaissant sa tante Aymonette qu'il venait chaque jour visiter, ce jeune seigneur, page du fils aîné du roi Louis le onzième, s'était empressé auprès de Philippine. Or, si la jouvencelle était charmée de cette cour assidue, elle avait bien vite dû admettre à son grand regret qu'elle n'était pas aussi troublée par Laurent de Beaumont qu'elle l'aurait espéré.
    Le hasard, pernicieux, avait voulu qu'un autre visiteur s'annonce quelques jours plus tard aux portes de l'abbaye royale et y demande l'hospitalité. L'homme, à la quarantaine ténébreuse qu'accentuaient un menton creusé d'une fossette et des yeux noirs en amande, était un chevalier de l'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et proche du grand prieur d'Auvergne, Guy de Blanchefort. Bien que religieux, il avait à peine croisé Philippine qu'il en avait été épris. Il s'était mis à la courtiser, sous le prétexte qu'il pouvait briser ses vœux puisque son frère aîné venait de mourir sans héritier.
    Ce jourd'hui, Philippine se trouvait en sa compagnie dans le verger, à rire de quelque trait d'esprit, lorsque Laurent de Beaumont les avait surpris. Les deux hommes se connaissaient et visiblement ne s'appréciaient guère.
    Philippine s'était rengorgée de lire sur leurs visages l'enjeu qu'elle représentait. Elle ne les aimait éperdument ni l'un ni l'autre, mais les trouvait séduisants et goûtait leur compagnie. Peu lui importait donc lequel son père lui choisirait pour époux. Enroulant ses bras autour de ceux de ses prétendants, elle les avait entraînés sous la frondaison des pommiers, se prenant l'espace d'un instant pour une de ces dames soupirant autrefois en cour d'amour.
    — Quel dommage, avait-elle minaudé, que nous soyons dans cette forteresse. Dès que j'en sortirai, je demanderai à père d'organiser un tournoi pour vous départager, car de vous, Laurent, que mes yeux virent en premier, ou de vous, Philibert, qui, si vite, les fîtes prisonniers, à présent je ne saurais choisir.
    — Pourquoi attendre ? avait rétorqué Laurent de Beaumont en se figeant, forçant leur groupe à faire de même.
    Philibert de Montoison avait lâché le bras de Philippine et s'était porté face à son rival.
    — Sortons, avait-il suggéré, la main au plommel de son épée.
    — Voyons, messires, avait-elle tempéré en cillant exagérément, vous n'y songez pas ?
    Pour toute réponse, ils s'étaient inclinés devant elle. Philibert de Montoison s'était redressé le premier :
    — Offrez-nous d'arbitrer ce duel, ma dame…
    Philippine avait cessé de s'amuser.
    — Vous vous moquez, n'est-ce pas ?
    — Pour l'amour de vous et nulle autre jamais, avait proclamé Laurent de Beaumont, la main droite sur le cœur.
    Elle n'avait pu les retenir. La plantant là, ils avaient côte à côte et en silence quitté le verger, longé le potager que sarclaient des moniales, avant de sortir par une des anciennes tours de guet.
    L'angoisse succédant à l'incrédulité, Philippine avait retroussé le bas de sa robe, et filé quérir l'aide de la mère supérieure dans l'ancien donjon reconverti. Elle n'avait pas eu besoin d'un long discours. Depuis la fenêtre

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