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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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trop heureux alors. Algonde lui avait menti. Il s'expliquait mieux soudain pourquoi elle avait simulé la veille. Du moment que le baron la contentait, qu'avait-elle à faire d'un infirme ? L'attaque de l'épervier avait été providentielle pour servir leurs intérêts. Jusqu'à quel point le baron ne l'avait-il pas commanditée à son fauconnier ? Ils étaient coupables tous deux de ce qui lui était arrivé, mais Algonde plus encore. Marthe avait raison. La garce n'avait besoin que d'un mari pour masquer ses turpitudes. Voilà pourquoi elle s'était rapprochée de lui après l'avoir tant repoussé. Lui qui s'en était enorgueilli. Imbécile ! Il aurait dû au contraire se méfier. Se souvenir du baiser qu'elle avait donné à Enguerrand autrefois. Plus peut-être ? Jusqu'à quel point pouvait-il s'y fier ? Quoi qu'il en soit, la bougresse s'était bien rattrapée !
    Il serra les mâchoires sur sa désillusion. Le pardon qu'il s'apprêtait à quémander se heurta à celui qu'il se sentait soudain incapable de lui donner. Il se reboutonna gauchement avant de franchir l'espace qui les séparait.
    — Tes larmes ne me touchent pas. Tu m'as trahi plus sûrement que je viens de le faire, grinça-t-il, mauvais.
    Algonde se retourna vers lui. Elle savait que Marthe avait parlé. Peu importait comment celle-ci avait deviné pour le baron. C'était trop tard. Malgré tout ce qu'elle savait désormais. Elle ne chercha pas à nier.
    — Il m'a contrainte, Mathieu.
    — Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?
    — J'avais peur, avoua-t-elle, désespérée de son regard, unique et fou.
    — C'est pour ça que tu ne voulais pas me voir apprendre le métier des armes ? Pour que je n'abîme pas la gueule de ton amant ?
    — On t'aurait pendu.
    — La belle affaire, ricana-t-il avant de lécher sa main ensanglantée, provocateur.
    Algonde retint un sanglot. Ce Mathieu-là était un étranger. Elle détourna les yeux.
    — Je le tuerai, Algonde. J'y mettrai le temps qu'il faudra mais je le tuerai. Alors seulement je pourrai te pardonner, menaça-t-il dans un souffle.
    — Pas moi, je ne veux pas devenir l'épouse d'un meurtrier, osa-t-elle en relevant la tête, espérant encore le ramener à la raison.
    Il eut un petit rire désabusé. Sur son visage défiguré par l'épervier tout autant que par la haine, la détresse emplissait son regard d'une lueur sauvage. Celui d'Algonde s'y accrocha un instant, empli de tout l'amour qu'elle lui portait. Il dodelina de la tête puis pivota d'un bloc.
    — Tu peux décommander le curé.
     
    Mathieu ne reparut pas au château de la journée. Pas davantage les jours qui suivirent. Il ne se passa pas une heure pourtant où Algonde n'espéra encore. La veille de la cérémonie, elle s'en fut trouver l'abbé Vincent pour l'annuler. Personne ne s'en étonna vraiment. Quelqu'un avait aperçu le jouvenceau, pitoyable dans les lices, brisé par ses efforts trop vains. La rumeur courut qu'il n'avait pu le supporter. Une autre laissa entendre qu'il s'était noyé, démentie l'après-midi même par un charretier qui assura l'avoir vu marcher le long de la route en direction de Grenoble.
    — Il a dû se réfugier chez sa marraine à Fontaine. Tu le sais bien, il s'y rendait toujours lorsque vous vous disputiez. Il est fier, Algonde, il l'a toujours été, avait assuré le panetier en la serrant contre lui.
    Algonde ne trouva pas le courage de le détromper. Qu'aurait-elle pu dire d'ailleurs ? L'essentiel, c'était à sa mère seule qu'elle l'avait confié.
     
    Ce 17 septembre de l'an de grâce 1483, son maigre bagage chargé avec les autres sur la charrette, Algonde s'installa sur la banquette de cuir de la litière aux côtés de Philippine. Elle supporta sans ciller le visage réjoui de Marthe en face d'elle et, pour plaire à Philippine qui essayait par tous les moyens de la consoler, se laissa même aller à rire d'un trait d'esprit lancé par Sidonie.
    Son destin était en marche. Celui de Mathieu aussi. Ils se retrouveraient. Dans le sang, dans les larmes. Mais, plus fort que tout, leur amour vaincrait. Elle en avait eu la certitude. Plus personne ne la duperait désormais. Non. Plus personne.
    Jamais.
     

 
     
    Achevé d'imprimer par N.I.I.A.G.
    en mai 2009
    pour le compte de France Loisirs, Paris
     
     

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