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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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les yeux de l'infirmière. Albrante se trouvait au milieu des bois où elle ramassait en toute hâte des mousses pour un cataplasme, le lendemain du jour où on leur avait ramené la mère de Philippine, grièvement blessée.
    — Cet élixir possède un pouvoir à nul autre pareil. Quatre gouttes pour fortifier, une cuillère pour régénérer, une rasade pour guérir. Utilise-le chaque fois que tu en sentiras l'utilité. Lorsqu'il sera vide, je reviendrai le chercher, lui avait dit la sorcière en le lui confiant.
    Personne n'en avait rien su.
    Ce jour-là, pourtant, la vie d'Albrante avait basculé.
    L'infirmière s'en retourna sans plus attendre auprès de Philibert de Montoison. Dans d'autres circonstances, elle aurait dès le premier jour laissé la nature faire son office, mais elle refusait que Philippine porte à jamais la culpabilité de son trépas. Elle déboucha le flacon, et lui ouvrit la bouche en lui pinçant les joues. Quelques gouttes coulèrent au fond de sa gorge. Elle attendit. Une minute, deux, un doigt boudiné contre la carotide. Il n'en fallut pas davantage pour que le rythme cardiaque s'apaise et que l'homme retrouve quelques couleurs.
    Cinq coups résonnèrent à la cloche de l'église. Dans une heure, le premier office de la journée serait célébré. Albrante renonça à se recoucher et s'en fut ranger son flacon.
     
    Cela faisait cinq jours à présent que Laurent de Beaumont et Philibert de Montoison s'étaient affrontés sur le tertre de l'abbaye.
    Cinq jours que le courrier à l'intention du baron Jacques de Sassenage était parti sans bien savoir où se trouvait ce dernier.
    Cinq jours aussi que Philippine attendait son père dans sa geôle, acceptant sa punition avec plus de rigueur encore qu'on ne lui en imposait. La grande abbesse avait ordonné qu'aucune nouvelle des deux hommes ne lui soit donnée, afin qu'elle use son repentir dans le doute. Philippine n'en avait pas demandé. Elle passait ses journées en prière, la peau écorchée à force d'être agenouillée face au mur et au crucifix qui l'ornait. Lorsqu'elle se retrouvait engourdie au point de vaciller sur ses talons repliés, elle s'allongeait sur sa paillasse et se mettait à pleurer, non sur elle-même, mais sur le sort qu'elle avait fait à ses prétendants. Lorsqu'elle n'en pouvait plus de pleurer, elle s'endormait. A son réveil, tout recommençait. Elle ne toquait à sa porte que si la nécessité l'y obligeait, pour changer sa chandelle, vider son bassin d'aisance ou faire remplir son pichet. Une converse entrait alors et récupérait l'un ou l'autre que Philippine avait placé sur le côté du chambranle afin qu'elle n'ait pas à s'avancer plus avant dans la pièce. Pas une fois elle ne lui avait offert son visage. Pas une fois elle n'avait prononcé un mot.
    Ne sachant pas quand le baron Jacques viendrait la chercher, l'abbesse avait levé le jeûne pour qu'elle ne tombe pas malade. Mais Philippine n'avait plus le goût de manger. À ses vêtements qui flottaient autour de ses hanches, on pouvait aisément deviner qu'elle avait maigri.
    Cinq jours, songea sœur Albrante à laquelle une des converses, effrayée par son état morbide, s'était confiée.
    C'était plus qu'elle ne voulait le tolérer.
     
    — Comment vont-ils ? demanda l'abbesse, la voix basse, en s'approchant des lits près desquels sœur Albrante, qui l'attendait, avait repris son poste de veille après la messe.
    — Mieux pour Laurent de Beaumont. Mais je suis inquiète pour Philibert de Montoison. Cette nuit, sa voix m'a éveillée en sursaut. Je me suis précipitée, certaine de le trouver conscient. Son état m'est apparu stationnaire, mais du sang frais avait imprégné son bandage crânien.
    — Vous aurez rêvé.
    — C'est ce que j'ai pensé. Je n'en suis pas si sûre. Si vous voulez me suivre, madame, nous serons plus à l'aise à côté pour parler, l'invita sœur Albrante en se levant de son tabouret.
    L'abbesse abandonna les convalescents à leur repos et lui emboîta le pas. La porte de l'office se referma sur les deux femmes.
    — Bien qu'abruti par les drogues que je lui administre, Laurent de Beaumont m'a affirmé ce matin avoir lui aussi entendu la voix du chevalier.
    L'abbesse grimaça. Cela n'augurait rien de bon.
    Elles s'attablèrent face à face sur un banc de bois et nouèrent d'un même geste leurs avant-bras sur le plateau de chêne encombré de mortiers de buis et de bocaux de toute nature. Atténué par le

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