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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vitrail de la fenêtre, un mince rayon de soleil caressa leurs mains sèches.
    — Philibert de Montoison vous aurait-il donné d'autres raisons d'être en nos murs ? Des raisons qui l'auraient suffisamment mis en peine pour provoquer une nouvelle hémorragie ? demanda sœur Albrante.
    — Rien que vous ne sachiez.
    — Peut-être alors serait-il judicieux de fouiller ses affaires.
    L'abbesse l'enveloppa d'un œil réprobateur.
    — Vous oubliez de qui nous parlons, ma sœur.
    — Ne vous semble-t-il pas étrange qu'un Hospitalier s'en vienne séjourner en nos murs, sans même un cheval de bât et un écuyer ?
    L'abbesse s'accorda un instant de réflexion. Prise dans le cours tragique des événements, cette pensée ne l'avait pas effleurée.
    — C'est en effet curieux, admit-elle, mais cela ne nous regarde en rien.
    — Au contraire, madame. J'ai la responsabilité et le devoir de sauver ce chevalier, et tout ce qui me permettrait de le faire présente un intérêt.
    — Je vais y songer, décida l'abbesse en se redressant.
    — Je n'ai pas terminé, assena sœur Albrante.
    Leurs regards se rencontrèrent. Celui, déterminé, de l'infirmière força l'abbesse à se rasseoir. Albrante souleva un pichet et remplit deux gobelets d'eau fraîche. Elle en poussa un devant l'abbesse et avala une gorgée du sien. Pour ce sujet-là qui lui faisait soudain la gorge sèche, elle avait besoin de s'éclaircir la voix.
    Dédaignant de boire, l'abbesse croisa de nouveau ses doigts noueux et attendit, la pensée prisonnière malgré elle de ce que venait de lui soumettre Albrante.
    — Il s'agit de Philippine, se décida la sœur infirmière.
    L'abbesse sursauta. Une bouffée de chaleur lui empourpra le visage. Ses paumes s'ouvrirent et se posèrent sur le bois de la table.
    — L'affaire est close, dit-elle d'un ton sec en prenant appui de ses mains pour se lever, bien décidée cette fois à quitter la pièce.
    — Rasseyez-vous, Isabelle ! ordonna sœur Albrante.
    L'abbesse devint écarlate.
    — Comment osez-vous ? demanda-t-elle, courroucée.
    Elle se tenait droite, coincée encore entre le banc qu'en son élan elle avait repoussé et le plateau de la table. Albrante lui fit face de même.
    — J'ose du droit d'assistance qui me mit autrefois au service de cette communauté.
    L'effort que faisait l'abbesse sur elle-même pour se contenir était visible. Elle y parvint pourtant et articula d'une voix sèche :
    — Je vous écoute.
    — Si Philippine refuse encore de s'alimenter, sa vie sera en danger…
    La mâchoire crispée par la colère, l'abbesse ne releva pas. La rage emporta sœur Albrante :
    — Alors quoi, vous la préférez morte plutôt que de lui pardonner ?
    Elles s'affrontèrent un instant dans un silence si pesant qu'elles semblaient prêtes à s'empoigner. Ce fut sœur Albrante qui céda la première.
    — Vous ne changerez jamais, n'est-ce pas ? Pétrie d'orgueil et de suffisance jusqu'au tombeau. Faudra-t-il donc que je vous rappelle nos obligations vis-à-vis de Jeanne de Commiers ?
    — Taisez-vous, sursauta l'abbesse, la voix blanche.
    — L'heure n'est pas à la querelle et je n'en cherche pas. Vous voulez sauver l'âme de Philippine, moi je veux la guérir en entier.
    L'abbesse hocha la tête. Vaincue.
    — Que voulez-vous ?
    — Que Philippine m'assiste. Sa punition n'en sera pas allégée pour autant. S'occuper de ceux-là mêmes qui se sont entre-tués pour elle lui sera plus difficile encore que de prier. Mais au moins pourrai-je veiller à ce qu'elle en tire leçon sans s'abîmer dans la mélancolie.
    L'abbesse se dirigea vers la porte sans que cette fois sœur Albrante songe à la retenir. À l'instant d'actionner la clenche, elle se retourna vers l'infirmière.
    — Avez-vous des remords parfois ?
    — Chaque jour depuis que c'est arrivé, mais j'ai trouvé en moi la force de me pardonner.
    — Je croyais, moi, les avoir dépassés, avoua l'abbesse avant de sortir, les épaules voûtées.
    — On n'oublie jamais le mal que l'on a fait, murmura Albrante pour elle-même, en se levant à son tour pour retourner à sa veille.
    Ajoutant encore à sa charge, elle trouva une des moniales qui l'attendait sur un banc, une main plaquée sur son bas-ventre. A peine salua-t-elle l'abbesse qui sortait de l'hospice, pâle et défaite dans sa dignité.
    — Menstrues ? demanda seulement Albrante en s'approchant de la malade. Celle-ci hocha la tête, et Albrante s'en fut

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