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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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    — Non, j'ai dit NON ! s'insurgea Algonde en repoussant les mains un peu trop empressées de Mathieu vers sa taille.
    — Juste un petit baiser, alors. Un tout petit baiser, insista le fils du panetier en arrondissant la bouche.
    — Suffit ou mon genou calmera tes ardeurs ! menaça la jouvencelle.
    Elle ne plaisantait pas. Mathieu s'écarta d'elle, inquiet pour son entrejambe. Ils se chamaillaient depuis le berceau et il savait bien de quoi sa belle était capable. Choisissant une autre approche, il s'installa en tailleur sur la litière de la vache qui meugla de désapprobation, tandis qu'Algonde glissait un tabouret sous ses flancs.
    — C'est pas une heure pour traire, se moqua-t-il. Avec l'orage qui monte, ton lait va tourner.
    — Qu'est-ce que tu en sais ?
    — Tout le monde le sait… Je parie que c'est Marthe qui l'a exigé.
    Algonde haussa les épaules. Elle détestait cette chambrière que Leurs Seigneuries amenaient dans leur sillage lorsqu'ils séjournaient en ce château. Marthe le lui rendait bien d'ailleurs, qui ne perdait aucune occasion de la persécuter. De fait, Marthe s'était octroyé les droits d'une dame de compagnie, sans que dame Sidonie ou le baron Jacques, considéré pourtant comme un des plus puissants seigneurs du Dauphiné, y trouvent à redire. Pis même, quoi que sa chambrière dise ou fasse, dame Sidonie l'excusait. Depuis le temps, Gersende, la mère d'Algonde et l'intendante de la maisonnée, avait fini par s'en accommoder. Algonde quant à elle souffrait de cette injustice et aurait volontiers étranglé cette garce dont la laideur n'avait d'égale que la méchanceté.
    — Et si on se fiançait ? la coupa Mathieu dans sa réflexion amère, la fauchant net.
    Algonde immobilisa ses doigts sur les pis, suspendant le rythme alternatif des jets qui cascadaient dans son pot. Elle tourna la tête vers lui. Couché à présent sur le côté, le buste surélevé par son coude replié, un brin de paille au coin des lèvres et l'œil mutin, le jouvenceau semblait ravi d'avoir réussi à la distraire.
    — Nous fiancer ? Toi et moi… se moqua-t-elle dans une moue sceptique, pour dissimuler son émoi.
    Sa gorge se noua de ne pouvoir l'envisager.
    — Et pourquoi non ? Nous allons sur nos quinze ans. Je suis un bon parti et fort joli garçon…
    — Modeste aussi, tu as oublié, ajouta-t-elle tout en se recentrant sur sa tâche.
    Si elle ne s'activait pas, Marthe se servirait de son retard pour la faire punir. Elle ne voulait pas lui donner ce plaisir. Certes, Jacques de Sassenage avait toute confiance en son intendante et prêtait peu d'attention aux récriminations de Marthe à l'encontre d'Algonde, mais, chaque fois qu'ils demeuraient au château, la jouvencelle se tenait sur ses gardes. Elle sentait bien qu'un secret liait dame Sidonie à sa chambrière.
    — Ça t'écorcherait la langue, pas vrai ?
    Algonde sursauta. Mathieu revenait à la charge.
    — Qu'est-ce qui m'écorcherait la langue ? répéta la jouvencelle.
    — D'avouer que je te plais, pardi !
    — Ce qui me plairait serait que tu retournes à ton fournil. N'entends-tu donc pas la voix de ton père qui te cherche ?
    Refusant de s'engager davantage dans cette conversation, Algonde jugea qu'elle avait trait assez de lait pour satisfaire à l'envie de Marthe d'en tamponner le visage de dame Sidonie. Elle repoussa son tabouret pour reboucher le récipient. La voyant prête à repartir, Mathieu cracha le brin qu'il avait mâché, étira ses longues jambes et se remit debout avec nonchalance, les braies piquetées de paille.
    — Tu sais, à force d'être repoussé, je pourrais m'amouracher d'une autre, menaça-t-il en s'époussetant les fesses.
    — Grand bien me fasse !
    L'anse du pot dans une main, Algonde ramena de l'autre sa longue tresse couleur châtaigne sur le devant de son corsage où pointaient de jolies rondeurs. Sa taille fine emprisonnée par la ceinture d'un tablier ajoutait encore à la délicatesse de son allure. Mais c'était la douceur de son visage, où une bouche finement ourlée répondait à la malice d'un regard gris-vert, qui lui donnait tout son charme. Elle était de loin la plus ravissante des jouvencelles de la maisonnée.
    D'un naturel facétieux, Mathieu détestait la voir en peine. Il enroula ses bras autour du cou de la vache et planta son regard émeraude dans celui, inexpressif, de l'animal.
    — Dis-lui, Blanchette…
    Le comique de la situation dérida enfin

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