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Le Chant des sorcières tome 1

Le Chant des sorcières tome 1

Titel: Le Chant des sorcières tome 1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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lui chercher un remède tout en se fustigeant de se sentir si lasse quand elle venait de remporter la bataille qu'elle avait déclenchée.
     

5
    Philippine était recroquevillée en position fœtale sur sa paillasse. Elle souffrait depuis la veille de maux d'estomac, si violents ce matin qu'elle n'avait pas trouvé le courage de seulement se lever pour boire. Appeler à l'aide ne lui vint pas à l'idée. Elle aurait voulu vomir, comme elle s'y était obligée à deux ou trois reprises, pour se dégager du dégoût qu'elle s'inspirait, mais la force lui manquait. Elle pleurait en silence, les mains plaquées sur son ventre. Les cauchemars qui habitaient sa conscience lorsqu'elle dormait ne la quittaient plus. Tels des revenants, ils erraient dans la pièce autour d'elle. Chaque bruit lui rappelait le cliquetis de l'acier, le grondement de l'orage. Chaque odeur, sa sueur comprise, la ramenait à celle des deux hommes sur le tertre. Leur danse macabre s'enroulait autour d'elle. Elle s'y était laissé entraîner en punition. Elle en était devenue prisonnière dans sa folie destructrice.
    De sa gaieté naturelle, de sa joliesse, de son regard chargé de malice, il ne restait rien. Son visage s'était émacié, ses yeux étaient cernés d'anthracite, ses lèvres et son nez pincés retenaient un souffle court et, malgré ses couvertures, elle grelottait dans la froideur souterraine de sa cellule. Mourir lui semblait la seule échappatoire à sa détresse, à sa honte.
    Parfois, elle se surprenait à demander pardon à sa défunte mère, puis se fustigeait. Le tort qu'elle avait fait à sa mémoire était indélébile. Qui était-elle pour espérer pouvoir s'en sauver ? Le diable avait soufflé sur son âme pour la salir, qu'à cela ne tienne, elle refusait de vivre encore dans son péché. Le purgatoire, tel qu'on le lui avait enseigné ici, à Saint-Just, lui semblait préférable aux flammes d'un enfer dans lequel, de toute évidence, elle finirait par se jeter si elle survivait. Au moins, là-haut, auprès du Seigneur, pourrait-elle peut-être lui échapper.
    Sur les murs de pierre, la lueur de la chandelle avait l'allure d'un bûcher.
    Une crampe la plia plus encore et un gémissement lui échappa. Satan se plaignait, captif dans ses entrailles vides. Philippine serra les dents. Qu'il la brûle, la tenaille, la transperce, peu importe ! Elle ne lui céderait plus, ne le laisserait pas s'échapper. Au moment de mourir, elle ne serait pas damnée.
    Elle n'entendit pas la porte s'ouvrir, ni les pas s'approcher. Elle sentit juste la main sur son épaule qui voulait la forcer à se retourner. Elle la repoussa d'une poigne ferme, les yeux clos sur son délire.
    — Jamais, grinça-t-elle, imaginant qu'un démon voulait l'emporter.
     
    L'abbesse blêmit en la découvrant ainsi prostrée. Elle n'avait pas voulu voir, savoir, entendre. Elle s'accroupit au chevet de la jeune demoiselle de Sassenage, bouleversée et coupable à son tour. Comment avait-elle pu se laisser aveugler par son orgueil alors même qu'au dernier étage de sa tour…
    — Philippine, mon enfant, murmura-t-elle, la voix éraillée.
    La jouvencelle se recroquevilla plus encore.
    L'abbesse la secoua d'une main ferme :
    — Regardez-moi, Philippine, au nom du Seigneur tout-puissant, REGARDEZ-MOI ! hurla-t-elle, recouvrant d'un coup sa fermeté.
    Elle seule, telle que Philippine la connaissait de froideur et de rigidité, pouvait la ramener.
     
    Philippine se débattit un instant encore, jusqu'à ce que les paroles de l'abbesse parviennent à son subconscient, et lui rappellent qu'elle lui devait obéissance et respect. Elle ouvrit les yeux, tourna la tête et reconnut sur son épaule les doigts noueux aux ongles courts et striés.
    — Est-ce vous, madame ? demanda-t-elle d'une voix craintive.
    — C'est bien moi, ma fille, s'adoucit l'abbesse.
    Elle l'attira vers elle et Philippine roula sur le dos, ramenant ses genoux sur son ventre, tant le spasme la tordait. La main qu'elle avait crispée sur son estomac s'accrocha à celle de l'abbesse, comme un refuge.
    — C'est fini, ils sont saufs, et vous l'êtes aussi. Votre punition est levée, Philippine.
    La douleur quitta le visage tourmenté de la jouvencelle.
    — Mon père est-il arrivé ?
    — Pas encore. Je vais vous faire porter de l'eau pour votre toilette, une robe propre, et du brouet… que vous mangerez. Cela suffira, je pense, à calmer vos aigreurs. Il est probable que vous aurez

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