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Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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secouer la tête. Il n'avait pas le courage des mots.
    — J'ai besoin de temps pour m'accorder à cette idée. Laisse-m'en un peu, veux-tu ? Ensuite tu me marieras. Un matin, je me lèverai et tu seras parti, ton braquemart sur l'épaule. Peut-être m'auras-tu donné un fils qui comme moi fera le deuil de toi. Peut-être pas. C'est sans importance. Il faut juste que je m'habitue à te perdre. Dès maintenant. Tu comprends ?
    — Pourquoi le ferais-tu ? Pourquoi me pardonnerais-tu ?
    Elle se leva, bouleversée autant que lui. D'une main tremblante, elle lissa sa capeline et ramena le capuchon sur ses cheveux épars, pour les fondre comme elle à la nuit.
    — Ne t'y trompe pas, Mathieu. Je ne te pardonne pas. Au contraire. Je vais te donner les moyens de ta vengeance parce qu'on te pendra. Vois-tu, les femmes ne sont pas si différentes des hommes. Je préfère vivre de ton souvenir plutôt que de te savoir près d'elle. Juste parce que je t'aime. Et n'aimerai jamais que toi.
    Mathieu ferma les yeux sur cette sentence.
    Lorsqu'il les rouvrit, Fanette n'était plus là.
    *
    Enfin il se tenait devant lui ! Djem, auréolé de la splendeur de ses vêtements d'apparat ressortis des malles, acceptait avec une once de fierté la révérence que lui offrait Jacques de Sassenage venu le visiter.
    Certes, ils s'étaient déjà croisés. Quelques jours seulement après qu'il s'était installé à Rochechinard, leur voisin était venu lui présenter ses hommages avant de se retirer avec Guy de Blanchefort pour discuter. Plus de curiosité alors que de respect. Pensez donc. Un musulman en terre de France ! Fils de l'homme qui avait tant mis à mal la chrétienté ! Djem n'était pas dupe. Il connaissait le cœur des hommes. Cela transparaissait toujours à un moment ou à un autre des fêtes auxquelles il était convié. Cela faisait partie du jeu. Il s'en était accommodé. Ce tantôt pourtant, il faisait montre d'une superbe inhabituelle. Hanté par le souvenir de la jouvencelle qu'il avait coursée, il avait décidé de plaire plus que de raison pour qu'on lui ouvre les portes jusque-là fermées.
    Il se leva du faudesteuil dans lequel, contrairement à son habitude, il s'était installé pour recevoir leur voisin. D'égal à égal, avait-il décidé. Lui montrer qu'il savait se fondre aux coutumes du lieu.
    — Votre visite me touche, cher baron. On ne cesse de me parler de vos terres splendides et de votre grandeur d'âme. Si j'en juge au portrait que me dépeint le sire de Blanchefort, ce serait à moi plutôt de m'incliner devant vous.
    Jacques sursauta. Le timbre était léger, la langue maniée avec une belle facilité. Lors de leur précédente rencontre, Jacques ne lui avait prêté aucune attention. Il n'était que colère provoquée par l'installation du sultan à quelques coudées de chez lui quand il avait si fermement rejeté la demande de Guy de Blanchefort à Sassenage. Il était venu s'en expliquer avec ce dernier, et était reparti apaisé, certes, mais indifférent au sort de l'exilé. À peine avait-il gardé le souvenir de cet homme, assis à même les tapis du sol, entouré de femmes impudiquement vêtues. Comme on se garde du diable. Cette fois pourtant, il devait reconnaître à son corps défendant que l'individu ne manquait pas de panache. Un sourire s'ébaucha sur sa face.
    — On m'a rapporté que vous saviez manier avec autant d'aisance les vers que les armes. Est-ce vrai ?
    Djem lissa d'une main richement baguée sa barbe en pointe de lance. L'œil pétillait d'espièglerie dans son azur sans tache.
    — Ma foi, puisqu'on le dit, j'aurais mauvaise grâce à vous détromper. M'accompagneriez-vous sur la terrasse ? Elle surplombe votre domaine et j'avoue ne pas me lasser de ce spectacle.
    Invité par un geste d'une grande élégance, Jacques de Sassenage le précéda par les portes voûtées qui s'ouvraient dans la façade. Ils s'avancèrent au bord protégé par une balustrade de pierre. La vue était impressionnante en effet et Jacques prit plaisir à englober d'un regard de propriétaire la vaste étendue de forêts qui courait de vallon en vallon jusqu'à La Bâtie en Royans.
    — Votre fief, mon voisin. Je le contemple chaque jour avec l'envie avouée d'y traquer quelque bête. Comme ce fauve en cage que je suis malgré moi.
    Jacques tressauta. Pas de tristesse dans la confidence. Pas d'amertume. Juste un constat d'une étonnante lucidité. Le baron se tourna vers le profil

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