Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Chant des sorcières tome 2

Le Chant des sorcières tome 2

Titel: Le Chant des sorcières tome 2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
là. Immobile. Le poitrail haletant mais le regard fier, il les observait, empreint de noblesse sous son imposante ramure.
    Sa beauté était rare et les déconcerta un instant. Suffisamment pour qu'il tourne les talons et les distance. Djem fut le premier à bondir à sa poursuite, sautant au-dessus des taillis, des branches et arbres morts couchés à terre. Sa jeunesse et sa vigueur lui donnaient un avantage sur le baron que l'âge avait rendu moins agile et moins rapide. Bientôt Djem fut seul, griffé, battu par les feuilles trop basses, l'arc au poing, la flèche tenue entre ses dents serrées, l'œil rivé sur la croupe qui l'entraînait plus loin de seconde en seconde. Il ne le rattraperait pas. À moins que… Ces cris là-bas. Les rabatteurs. L'animal se cabra. Retombant à terre, il esquiva vers la droite, puis vers la gauche. Il était cerné. Il choisit de mourir en brave. S'immobilisant dans un cerne de cèpes, sous un chêne, il fit volte-face pour affronter Djem. Leurs regards se soudèrent. Le même souffle court. La même ardeur dans la lutte. Un raclement de sabot. Le cerf baissa sa ramure pour attaquer. Djem banda son arc. La flèche partit à la rencontre du galop. Se figea dans le front altier. L'animal vacilla, mais emporté par l'élan fonça encore, obligeant Djem à sauter de côté pour l'éviter. Il roula dans une boule de genêts. Le cerf plia des jarrets, trébucha et, tombé à genoux, glissa sur un restant de feuilles mortes avant de s'immobiliser en dodelinant de la tête. Il était vaincu. Djem se déplia, marcha jusqu'à lui et, s'accroupissant devant, planta son regard dans le sien. Une main caressa l'arête du nez. L'autre chercha le poignard à sa ceinture. Déjà on accourait. Mais Djem ne songeait qu'à l'essentiel : saluer le courage.
    Ce que Jacques de Sassenage vit de la scène, ce fut le baiser qu'offrit Djem à l'animal en même temps qu'il lui tranchait la gorge pour l'achever.

17
    Il eut beau se glisser de groupe en groupe, affable et charmeur, Djem ne la vit pas. Depuis que, triomphants, ils étaient revenus à la Bâtie, précédés par le cerf que portaient six valets sur un brancard, Jacques le présentait à ses courtisans en ne tarissant pas d'éloges sur son courage et surtout sur son geste au regard de l'agonie de l'animal.
    — Qui prétend que les Turcs sont des sauvages n'a pas rencontré celui-là, répétait-il à l'envi en lui tapotant l'épaule.
    Du coup, on s'empressait autour de lui pour lui sourire, le féliciter et Djem oscillait entre le sentiment détestable d'être plus que jamais une bête curieuse et celui, ô combien flatteur ! d'être vénéré. La seule chose qui prenait le pas sur les autres, c'était elle. Sa mystérieuse espionne. Sa fugitive. Il était persuadé qu'elle était de ce château. Or, de pièces de réception en salles de musique ou de jeux, enveloppé de la magnificence des lieux dans laquelle soudain il retrouvait un peu de son faste passé, aucun des visages croisés, des yeux accrochés, ne lui parlait d'elle. Quant à brosser son portrait à Jacques de Sassenage, il eût fallu pour cela révéler les circonstances de cette rencontre. C'était impensable.
    La musique emplissait l'espace au-dessus des têtes, changeante d'une pièce à l'autre, les tables regorgeaient de mets et de vins raffinés, les rires fusaient, les conversations s'emmêlaient. Jamais Djem n'aurait imaginé que le baron de Sassenage ait pu avoir en ce lieu une cour aussi prestigieuse. Pour un peu il se serait cru auprès d'un prince. Son cousin, le roi de Hongrie, qu'il avait rencontré une fois en son palais avec son père, ne lui avait pas même laissé ce sentiment.
    Ainsi donc, songea-t-il, c'est vrai. Jacques de Sassenage était bel et bien aussi puissant que Guy de Blanchefort le lui avait laissé entendre. Son amitié n'en serait que plus précieuse. Car il lui paraissait impossible à présent de séduire cette Philippine. L'inconnue avait bouleversé ses projets. Djem en était éperdument épris. Il le savait de tout son être. Malgré le départ de Houchang, malgré la menace toujours réelle que représentait pour lui la perte de l'élixir de vie de la sorcière, cette femme habillait ses nuits d'un rêve inaccessible dont le jour se parait pour mieux l'obséder.
    Il leva les yeux un instant, suivant le murmure qui grandissait près du double escalier qu'il devinait desservir, à l'étage, les appartements de leurs seigneuries. Une dame

Weitere Kostenlose Bücher