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Le Chant des sorcières tome 3

Le Chant des sorcières tome 3

Titel: Le Chant des sorcières tome 3 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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réclama-t-il.
    Sa langue épaissie par le traitement lui colla au palais, déclenchant une toux sèche.
    La fille secoua la tête négativement avant de pointer son pouce gauche sur son buste.
    — Malika, se présenta-t-elle.
    Enguerrand lui sourit. Avec adresse, elle lui releva la tête d'une main pour le faire boire de l'autre.
    L'eau, tiède, emporta avec elle la désagréable sensation. Il se sentit mieux. Elle le recoucha puis s'écarta. Enguerrand tourna la tête pour suivre ses déplacements dans la pièce sombre. Seul un rectangle de lumière passait par une ouverture basse sur l'extérieur. Un coin de ciel la partageait avec la blondeur ocrée du sable du désert. Où était-il ?
    Déjà Malika revenait avec une coupelle de jonc tressé emplie de dattes. Ses yeux, immenses, étaient espiègles. « À la finesse de ses traits sous le foulard, elle est jeune », se dit Enguerrand en acceptant la main qu'elle lui tendait avant de s'étonner de se retrouver assis en tailleur, comme si ce geste-là n'était que la réplique conditionnée d'autres, longuement répétés.
    S'adossant au mur derrière lui, il s'attarda un instant sur ses pieds nus, étonnamment propres, qui dépassaient du bas de sa gandoura, avant de plonger une main molle dans la jatte posée entre ses genoux.
    Sitôt qu'il eut mordu la chair sucrée, il retrouva son goût doucereusement pâteux en bouche. C'était de dattes qu'on l'avait nourri. Combien de temps ?
    Qu'était-il arrivé pour qu'il se retrouve là, seul, sans elle ?
    Mounia.
    Un grand vide tenait sa mémoire. Il se revoyait avec elle descendre le Nil en crue. Ils devaient rencontrer enfin Aziz ben Salek, le père de Mounia. L'avaient-ils vu ? Il ne se souvenait pas.
    La silhouette gracile de Malika lui masqua un instant la lumière du jour. Elle disparut à l'extérieur. Enguerrand posa la jatte à côté de lui sur la couche de feuilles tressées et voulut se lever. Il se découvrit affaibli plus qu'il n'imaginait. Ses jambes et ses bras avaient fondu et la peau le tiraillait entre les omoplates. Il se contorsionna pour se gratter et perçut un bourrelet de chair sous ses doigts.
    Cicatrice, lui chuchota son instinct.
    De plus en plus perplexe, il s'étira, vacilla un instant, trouva l'appui du mur de pierre sous sa main et avança sur le sol dallé recouvert d'une pellicule de sable. Vers la lumière. Si la pièce était silencieuse, à l'extérieur s'élevaient des rires d'enfants et des bruits de conversation.
    Il franchit le seuil. Plissa les yeux sous le franc soleil, avant de mettre ses mains en visière, aveuglé.
    En face de lui, lui barrant l'horizon, au-delà des nombreux monticules de sable qu'il devina cacher des ruines, le long rempart d'une enceinte se dessinait. Un éclair, furtif, lui indiqua qu'il l'avait déjà vu par le passé. Mais quel passé ? Un sentiment désagréable de tristesse le submergea sans qu'il puisse lui donner de consistance.
    Une exclamation. Il tourna la tête. Deux fellahs, l'un jeune, l'autre plus âgé mais tous deux burinés par le soleil, venaient vers lui. Malika les accompagnait. Enguerrand ne comprit rien de ce qu'ils lui dirent, mais à leurs rires édentés et à leur tape amicale sur l'épaule, il conclut qu'ils étaient contents de le voir sur pied.
    — Mounia? essaya-t-il encore devant la persistance de cette désespérance en lui.
    Les deux hommes secouèrent la tête négativement. De toute évidence, ils ignoraient qui elle était.
    Épuisé déjà, Enguerrand accepta leur aide pour regagner sa couche. Il s'y abattit avec plaisir. Avant toute chose, il devait récupérer pour tenter de comprendre ce qui lui était arrivé. Ce qui leur était arrivé.
    *
    Lorsqu'elle voulut franchir le porche qui menait aux appartements du sultan, juste avant le couvre-feu, Mounia le trouva barré d'un eunuque, qui, armé d'un cimeterre à la ceinture, l'attendait, les bras croisés sur sa bedaine. Elle le connaissait. C'était Moussa, l'être castré que Bayezid avait discrètement attaché à ses pas.
    — Écarte-toi, lui demanda-t-elle, je suis attendue.
    — Pas ce soir, lui servit-il en s'inclinant respectueusement.
    Le cœur de Mounia manqua un battement. Elle insista.
    — Je dois voir ton maître, c'est urgent.
    — Je regrette. Il ne désire pas ta présence et me charge de te conduire auprès de sa mère qui t'attend.
    L'Égyptienne sentit le sol se dérober sous ses pieds.
    Était-ce l'annonce de sa grossesse, son

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